African story USSR cartoon of 1963 based on the parable of Jomo Kenyatta about the struggle of the peoples of Africa against the colonialists.
mercredi 6 novembre 2024
mardi 5 novembre 2024
Le libéralisme, le national-socialisme et le managérialisme
Depuis que Hannah Arendt a inventé et popularisé le terme de totalitarisme dans les années 1950, le cliché suivant s'est imposé dans les manuels d'histoire de l'Europe occidentale.
🔸Trois systèmes totalitaires ont vu le jour après le siècle de la Première Guerre mondiale :
- Le socialisme soviétique ;
- Le fascisme italien ;
- Le national-socialisme allemand.
🔸La démocratie libérale occidentale s'oppose à ces trois systèmes totalitaires. Le fascisme et le nazisme ont été vaincus pendant la Seconde Guerre mondiale et, après la chute du mur de Berlin en 1989, les démocraties libérales occidentales ont finalement vaincu le totalitarisme. Les auteurs libéraux de tendance hégélienne, comme Francis Fukuyama, parlent même de la fin de l'histoire.
🔸Il y a un "petit" mais important écueil dans cet exposé facile à comprendre : le modèle économique de ces trois régimes.
L'étude des fondements économiques du fascisme, du nazisme et du socialisme par l'école dite révisionniste américaine et d'éminents auteurs français comme Annie Lacroix-Riz, Christian Ingrao, Johan Chapoutot conduit à la conclusion que le terme de totalitarisme est excellent d'un point de vue idéologique (notamment dans la lutte contre le socialisme dans la seconde moitié du XXe siècle), mais qu'il est totalement inopérant d'un point de vue purement historique.
🔸Dans son livre Le choix de la défaite, l'historienne française Anne Lacroix Riz démontre de manière convaincante, en s'appuyant sur des archives d'un volume et d'un contenu impressionnants, les liens étroits entre les capitaux français et allemands avant et pendant la Première Guerre mondiale. Cette collaboration fructueuse s'est poursuivie pendant la Seconde Guerre mondiale.
🔸La Banque de France a soutenu économiquement le mouvement fasciste en Italie avec un objectif strictement défini : le remboursement des dettes des industriels et aristocrates italiens. Le mouvement fasciste promet la destruction des syndicats italiens, l'imposition par la force de bas salaires et d'une "haute productivité" comme programme économique pour le remboursement des dettes.
🔸Les "réparations de Versailles" sont l'une des explications les plus courantes de l'émergence du national-socialisme en Allemagne.
On parle rarement du fait que les principaux bailleurs de fonds qui ont financé la France et l'Angleterre pendant la Première Guerre mondiale - les banques américaines Morgan, National City Bank.
🔸First National Bank, Rothschild Bank, n'ont pas permis de rembourser plus de 15% des réparations imposées à l'Allemagne, car en plus de financer une partie de l'effort de guerre allemand, les banques en question ont financé l'industrialisation d'après-guerre qui a couvert les nouveaux armements de la République de Weimar.
🔸Depuis le mardi noir du 29 octobre 1929 à Wall Street, l'un des problèmes des banques mentionnées est le remboursement des emprunts dits "allemands".
🔸La politique "réussie" menée par B. Mussolini qui, s'appuyant sur une idéologie de nature nationaliste, a réussi à détruire les syndicats ouvriers, à réduire les salaires de 50 % dans l'intérêt du capital transnational et, en ce sens, à mener une défense efficace contre le "péril rouge" qui est édifiante.
🔸Sans le soutien financier crucial d'un capital intrinsèquement transnational, le parti national-socialiste d'Hitler aurait eu des chances similaires à celles de Mussolini en 1922 sans le soutien du capital français.
🔸Une autre chose dont on parle peu est le fait que les dettes aux banques américaines pendant la Seconde Guerre mondiale ont été payées "religieusement" grâce aux réserves d'or des pays conquis par le Troisième Reich (par exemple, en 1939, la Belgique a placé ses réserves d'or en "lieu sûr" auprès de la Banque de France, qui n'a pas hésité, quelques mois avant l'offensive allemande, à remettre ces fonds à Hitler, qui en a profité pour continuer à payer ses "dettes américaines"). Le plus intéressant est que le dernier paiement qui clôturait les dettes susmentionnées auprès des banques américaines a été transféré par la Reichsbank en avril 1945 !
🔸Après ce tableau général, il convient de s'attarder sur certains détails de la politique et de la pratique économique du Troisième Reich qui semblent curieusement "modernes".
🔸La République de Weimar a créé l'un des systèmes éducatifs les plus brillants d'Europe et du monde. Il "produit" un grand nombre de super-diplômés pour lesquels il n'y a tout simplement pas d'emplois décents, que ce soit dans les universités ou dans les entreprises privées.
🔸L'un des rares débouchés possibles pour leur développement "professionnel" était de faire partie de l'élite du mouvement SS national-socialiste allemand.
🔸Dans son livre Croire et détruire. Les intellectuels dans la machine de guerre SS, Christian Ingrao se penche sur la biographie de 40 docteurs en sciences qui sont devenus l'élite de la SS et se sont même élevés au rang de généraux SS.
🔸À partir de ses recherches approfondies, je voudrais me concentrer sur quelques faits : ces intellectuels (docteurs en droit, en histoire, en géographie, en économie, en philosophie) ne sont pas seulement devenus des idéologues intellectuels et des architectes de la structure économique et politique du Troisième Reich.
🔸Nombre d'entre eux ont participé directement aux commandos Einsatzgruppen dont la tâche directe était l'extermination physique des Juifs et des Slaves. Comment des pelotons de paisibles « hamburgers » ont-ils pu se transformer en tueurs en série, tuant chacun entre 100 à 3 000 personnes par jour ? Comment peut-on être convaincu qu'il faut tuer des femmes et des enfants sans défense ? Au nom de quoi ?
🔸Une telle transformation nécessite une motivation intellectuelle, idéologique et "scientifique" sérieuse, qui ne peut être fournie que par des intellectuels qui semblent "toucher à la réalisation" d'une utopie. Ils se sentent les acteurs directs de la construction de l'histoire et parviennent à convaincre massivement le reste de la société, usant pour ce faire d’un fanatisme hurlant, qu'ils ont eux aussi un rôle décisif et tangible à jouer dans la création du Reich de mille ans.
🔸Que valent les morts de quelques milliers, de quelques millions de femmes et d'enfants par rapport à la possibilité "concrète" de réaliser une utopie ?
🔸Ces intellectuels allemands, comme le national-socialisme lui-même, ne sont pas la création des Indiens Nambiquara ou des Zoulous. Ils font partie de la culture européenne. Ils y sont profondément enracinés et en sont même l'un des fruits les plus visibles.
🔸Il n'est donc pas étonnant que l'on puisse facilement reconnaître dans leurs paroles le colonialisme, le racisme et le darwinisme social inhérents à leurs idéologies néolibérales contemporaines.
🔸La seule différence est que les Espagnols, les Belges, les Néerlandais, les Français et les Anglais les ont appliquées en Amérique du Sud, en Afrique, en Inde et en Asie du Sud, alors que l'impulsion coloniale allemande a eu pour cadre l'Europe de l'Est et en particulier les territoires de la Pologne, de l'Ukraine, de la Biélorussie et de la Russie.
🔸Depuis le XIIe siècle, la mission sacrée de l'Ordre Teutonique n'est plus tant la défense de Jérusalem que la conversion des barbares d'Europe de l'Est au catholicisme.
🔸Quoi de plus normal que le Troisième Reich cherche "légitimement" son espace vital ("Lebensraum") à l'Est ?
Les nouveaux docteurs en sciences sociales sont ceux qui non seulement développeront ce rêve sur le plan idéologique, historique et économique, mais participeront concrètement à sa réalisation.
🔸Il est peu connu que lorsque l'armée d'Hitler, forte de cinq millions d'hommes, a attaqué l'URSS en 1941, pas un seul pfennig n'a été prévu pour sa subsistance - elle devait non seulement subvenir à ses besoins, mais aussi envoyer de la nourriture en Allemagne pour éviter que la population du Reich ne connaisse la famine pendant la guerre.
🔸Dans les calculs et les plans de guerre, il est admis comme un prix tout à fait raisonnable que cela entraînera la mort par famine de plus de 30 millions de Slaves, qui sont considérés plus ou moins comme des sous-hommes (Untermensch) par rapport aux "maîtres allemands" (Herrenmensch).
🔸Herbert Backe, secrétaire du ministère de l'agriculture puis ministre (à partir de 1942) dans le cadre du plan quadriennal qu'il a élaboré pour le développement des terres d'Europe de l'Est, appelé "Plan Faim", a accepté ce fait assez froidement.
🔸Dans ce plan, on peut lire : "L'important est d'agir", de "prendre des décisions rapidement sans scrupule bureaucratique (keine Aktenwirtschaft). "Les dirigeants fixent un objectif (Endzeil) que les exécutants doivent atteindre sans perdre de temps, sans exiger de ressources supplémentaires... Ce qui importe, c'est que la mission soit accomplie, sans se soucier de la façon dont elle est accomplie. Becke recommande " la plus grande élasticité possible dans les méthodes utilisées ".
🔸Le choix de ces "méthodes est laissé à l’appréciation de chaque individu". ... Backe se considère comme un "homme performаnt" (Leistungsmensch) et regrette que son prédécesseur Darré ait été trop mou, c'est-à-dire un "loser" (Versager), terme que l'on pourrait facilement traduire par "perdant". "p.14-15 - Libres d'obéir J. Chapoutot.
🔸Faut-il s'étonner de la présence d'une terminologie néolibérale bien connue comme les oppositions : gagnant - perdant ; initiative - inertie ; flexibilité - rigidité, adaptation - bureaucratie ?
🔸Si nous continuons à lire les écrits d'éminents intellectuels allemands devenus cadres dans les SS et SD, nous trouverons une utilisation extensive de termes qui nous sont familiers dans le management néolibéral moderne, tels que "efficacité", "prise de responsabilité", "délégation de responsabilité", "joie dans le travail", "objectifs" et "missions".
Dans le "travail" de ces intellectuels nazis, nous trouverons leur intérêt particulier pour "l'organisation du travail" (Menshenfürung), que nous pourrions facilement traduire par "gestion".
🔸L'accent est mis sur la capacité à assurer une direction et une gestion efficaces - Fürung - ainsi que sur la délégation des responsabilités afin d'accomplir les missions aussi rapidement et efficacement que possible grâce à la gestion des "ressources humaines" et du "matériel humain". Dans un régime de guerre totale où il y a de moins en moins de personnel qualifié disponible et où il faut faire plus avec "moins", le problème très concret qui se pose est le suivant : "comment administrer un Reich en expansion constante avec de moins en moins de ressources et de personnel" ?
🔸Werner Best (l'un des chefs de la SS, conseiller juridique de la Gestapo) déclare: "Il faut administrer un peu, à bon prix, et dans l'intérêt du peuple", en d'autres termes: "Administrer à bon prix signifie administrer au coût le plus bas possible"
Mais comment cela se traduit-il dans la pratique ?
🔸Reinhard Höln (1904-2000), l'un des juristes et théoriciens juridiques les plus éminents du Troisième Reich, nous donne des réponses intéressantes et étrangement actuelles: en réduisant la charge de l'administration de l’État; en confiant ces missions à des "agences privées" qui entrent en concurrence les unes avec les autres afin d'être en mesure d'accomplir les missions assignées de la manière la plus efficace et au coût le plus bas possible.
🔸En d'autres termes, le Troisième Reich soutient intrinsèquement le "darwinisme social", qui est censé minimiser le "fardeau" de l'appareil d'État.
🔸D'autre part, le parti national-socialiste soutient le développement des entreprises privées et de l'industrie allemande, en créant les conditions optimales pour leur développement, en apportant une solution radicale à l'une des questions les plus délicates pour les entreprises, celle de la main-d'œuvre.
🔸Le paiement des salaires et de la sécurité sociale est l'une des principales dépenses de toute grande entreprise. Dans le Troisième Reich, le problème des mouvements syndicaux et des demandes d'amélioration sociale a été résolu encore plus rapidement et plus efficacement qu'en Italie.
🔸Mais cela ne semble pas suffire : il reste le problème des salaires, qui doivent toujours être payés pour éviter que les travailleurs ne meurent de faim.
🔸Ce "problème" trouve également sa solution dans l'utilisation d'une main-d'œuvre esclave provenant de toute l'Europe et en particulier de Pologne, d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie. Les travailleurs peuvent mourir de faim et d'épuisement simplement parce qu'on leur trouve un remplaçant rapide dans les camps de travail et de concentration.
🔸D'autre part, les travailleurs allemands qualifiés doivent être motivés et efficaces pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions.
🔸L'organisation DAF qui a remplacé les syndicats allemands a pour mission d'optimiser le lieu de travail. Sa section loisirs, le KdF, "vise à rendre le lieu de travail beau et heureux et à permettre ainsi aux travailleurs de retrouver leur force productive". Le Kdf - a initié des activités telles que des excursions organisées, des compétitions sportives dans la nature, des croisières maritimes et fluviales, des vacances dans des stations de montagne et des stations balnéaires.
🔸Ainsi, les vacances ne sont pas seulement destinées à permettre au travailleur qualifié de se reposer, de revenir avec joie et force sur son lieu de travail, mais aussi de se sentir partie prenante du collectif, de s'engager dans le processus de travail, de faire preuve d'initiative. En d'autres termes, d'être LIBRE D’OBEIR.
🔸Le Troisième Reich est devenu un laboratoire fructueux pour les expériences néolibérales. Dans les années 1930 et 1940, les actions des entreprises allemandes constituaient l'investissement le plus rentable pour le capital "démocratique".
🔸Faut-il se demander pourquoi des entreprises comme Rhein Metal, Porsche, Zeiss, Bayern, malgré leur collaboration évidente avec le Troisième Reich et l'utilisation de "main-d'œuvre esclave", n'ont pas disparu après la Seconde Guerre mondiale, mais se sont contentées de verser à leurs actionnaires des compensations limitées, sans commune mesure avec les milliards de bénéfices qu'ils ont engrangés au cours des douze années de national-socialisme ?
🔸Les relations entre les cadres de la SS et les entreprises allemandes se sont poursuivies après 1945.
Pour contrer la menace soviétique, qui de mieux que les anciens cadres de la SS et du SD?
🔸Le modèle économique allemand et les pratiques économiques néolibérales du national-socialisme se sont développées, et trouvent leur continuité en devenant l'ordo-libéralisme.
🔸Il peut être intéressant de retracer le destin du professeur de droit constitutionnel et économique à l'université de Berlin, général dans la SS, Reinhard Höln.
🔸Après 1945, il s'est vu retirer son doctorat, ce qui l'a amené à en rédiger un nouveau.
Dans la mesure où il n'a pas participé directement à des meurtres de masse, il n'a pas été condamné.
🔸Grâce à l'aide d'Ernst Ashenbah, qui s'occupe de la réhabilitation et de l'aménagement du travail des anciens cadres SS et SD, Reinhard Höln, deviendra en 1953 directeur de la Société allemande de politique économique (Deutche Volkswirstschaftliche Gesellshaft, DVG), dont l'objectif est de "développer et enseigner des stratégies de gestion des ressources humaines adaptées à notre époque" - en d'autres termes, des managers sur le modèle américain. Le modèle, c'est la Harvard Business School, l'INSEAD en France.
🔸Campus de la DVG à Bad Harzburg. Sous la direction charismatique de Reinhard Höln, une école a été créée, par laquelle plus de 500 000 employés allemands d'Audi, Aldi, Bayern, Porsche, etc... sont passés de 1953 à 1980 (date à laquelle un scandale a éclaté concernant son passé de général SS). En outre, un contrat-cadre a été signé pour rationaliser l'administration allemande.
30 ans de préparation USA - « Les 6 méthodes de la Rand »
🔸Brzezinski a été conseiller des administrations des présidents américains J. Kennedy et L. Johnson, ainsi que d'Obama pendant la période électorale. Responsable de la politique internationale USA sous Carter (1977-1980), il envoya Ben Laden en Afghanistan et développa le terrorisme « islamiste » pour renverser le gouvernement de gauche et attirer l'URSS dans un piège.
🔸Synthétisant les concepts géopolitiques de MacKinder et des géopoliticiens américains Admiral Mahan et Spykman, il créa la doctrine d'un nouvel expansionnisme américain. Dans Le Grand échiquier, paru en 1997, il expose les moyens de perpétuer la domination mondiale des USA. L'essentiel est de contrôler l'Eurasie. Il faut donc la diviser et empêcher les alliances entre Moscou, Berlin et Pékin. Brzezinski annonce les stratégies que suivront toutes les administrations USA jusqu'à aujourd'hui.
- dominer l’Eurasie
🔸« L'Eurasie demeure l'échiquier sur lequel se déroule le combat pour la primauté globale. La façon dont les États-Unis gèrent l'Eurasie est d'une importance cruciale. Le plus grand continent à la surface du globe en est aussi l'axe géopolitique. Toute puissance qui le contrôle, contrôle par là même deux des trois régions les plus développées et les plus productives. 75% de la population mondiale, la plus grande partie des richesses physiques, sous forme d'entreprises ou de gisements de matières premières, quelque 60% du total mondial. »
🔸Il s’agit donc de briser les partenariats et les échanges économiques pouvant renforcer les rivaux. Tous doivent être affaiblis méthodiquement et pour cela il faut diviser et paralyser l’UE tout en affaiblissant durablement la Russie qui doit être divisée en trois. Intégrer l'Ukraine dans l'OTAN et la retourner contre Moscou doit être la clé de la stratégie USA dont ce livre annonce les différentes étapes. Et même la date approximative des événements qui surviendront effectivement.
- diviser les « vassaux »
🔸« Les trois grands impératifs géostratégiques des USA: éviter les collusions entre vassaux et les maintenir dans l'état de dépendance que justifie leur sécurité; cultiver la docilité des sujets protégés; empêcher les barbares de former des alliances offensives. »
🔸« Si l'espace central [ndlr: la Russie] rompt avec l'Ouest et constitue une entité dynamique, capable d'initiatives propres; si dès lors, il assure son contrôle sur le Sud ou forme une alliance avec le principal acteur oriental [ndlr: La Chine], alors la position américaine en Eurasie sera terriblement affaiblie. À l'Est, l'union des deux principaux acteurs aurait des conséquences similaires. Enfin, sur la périphérie occidentale, l'éviction des USA par ses partenaires [ndlr: L'Europe] signerait la fin de la participation américaine au jeu d'échecs eurasien. »
- jouer la France contre l’Allemagne, contrôler l’UE
🔸« La France n'est pas assez forte pour faire obstacle aux objectifs géostratégiques fondamentaux des USA en Europe, ni pour construire une Europe conforme à ses vues. De ce fait, ses particularismes et même ses emportements peuvent être tolérés. »
🔸« L'Allemagne pose des problèmes d'une autre nature. Si l'on ne peut nier sa prééminence régionale, il serait imprudent de l'entériner officiellement. À long terme, toutefois, le leadership allemand ne saurait être le moteur de la construction européenne. »
- contrôler l’Ukraine grâce à l’OTAN
🔸« En 2010, la collaboration franco-germano-polono-ukrainienne, engageant quelque 230 millions de personnes, pourrait devenir la colonne vertébrale géostratégique de l'Europe. .... L'intégration des États balkaniques pourrait amener la Suède et la Finlande à envisager leur candidature à l'OTAN. Au cours de la période suivante (soit de 2005 à 2010), l'Ukraine pourrait à son tour être en situation d'entamer les négociations en vue de rejoindre l'UE et l'OTAN. »
- « l’expansion de l'OTAN est essentielle.
🔸À défaut, les USA n'auraient plus les moyens d’élaborer une politique d'ensemble en Eurasie. Si, en dépit des efforts investis l'élargissement de l'OTAN ne se réalisait pas, leur échec aurait des conséquences désastreuses. It remettrait en cause leur suprématie, paralyserait l'expansion de l'Europe, démoraliserait Europe centrale et pourrait allumer les aspirations géopolitiques, aujourd'hui dormantes, de la Russie. »
🔸Pourquoi ce « programme Brzezinski » n’est-il jamais cité par les médias occidentaux ?
🔸Brzezinski a expliqué comment Washington devrait agir pour contrôler l'UE. De nombreux responsables politiques US du plus haut niveau ont exprimé la même hostilité envers l'Europe.
🔸1992 - Le président George Bush (1989 - 1993): « Contre l’Europe, nous gagnerons. »
« La Communauté européenne se cache derrière « un rideau de fer » de protectionnisme. Nous avons gagné la guerre froide et nous gagnerons aussi la guerre économique. »
🔸Ayant obtenu le soutien des puissances européennes pour sa guerre contre l'Irak, on aurait pu s'attendre à davantage de bienveillance de Bush père. Pourquoi cette agressivité? La crise économique. Les profits des multinationales sont en baisse. Pour s'en sortir, c'est chacun pour soi. Y compris voler aux « amis » leurs clients et leurs marchés, s'emparer d'entreprises rivales ou les priver d'un accès bon marché aux matières premières africaines. Tout est permis.
🔸1992 - Paul Wolfowitz, le vice-ministre de la Guerre de Bush fils (2001 2005): « Décourager l’Europe occidentale. »
« Les USA doivent s'appuyer sur leur écrasante supériorité militaire et l'utiliser préventivement et unilatéralement. Notre premier objectif est d'empêcher qu'émerge une nouvelle fois un rival. [Il faut] empêcher toute puissance hostile de dominer une région. [...] Ces régions englobent l'Europe de l'Ouest, l'Asie de l'Est, le territoire de l'ancienne USSR et l'Asie du Sud-Est. Nous devons nous occuper suffisamment des intérêts des nations industrielles avancées, de façon à les décourager de défier notre leadership ou de renverser l'ordre politique et économique établi. »
🔸Théoricien du courant néo-con républicain, Wolfowitz estime qu'une fois acquise la victoire sur l'URSS, Washington doit en profiter pour dominer le monde et cesser de ménager ses alliés européens.
🔸Pourquoi les médias européens ne communiquent-ils pas aux citoyens européens des informations qui les concernent tant?
🔸1989. La Guerre froide contre l'ennemi commun soviétique prend fin. Du coup, la rivalité USA - UE va se renforcer. En Irak, pour le pétrole du Moyen-Orient dont l'Europe dépend. En Yougoslavie que Berlin souhaitait coloniser. En Afrique, réservoir de minerais stratégiques et de super-profits des multinationales françaises. Là aussi, les médias européens ne mentionnent pas cette guerre économique et politique « entre amis ».
🔸1999 - Strobe Talbott, secrétaire d'État adjoint de Bill Clinton (1994-2001): « Pas d’euro-armée! »
« Nous ne voudrions pas voir une initiative européenne de sécurité et de défense qui grandirait d'abord au sein de l'OTAN puis grandirait en dehors de l'OTAN et finalement grandirait en s'éloignant de l'OTAN. Car elle pourrait éventuellement entrer en compétition avec l'OTAN.»
🔸Bill Clinton obtint le soutien des Européens pour sa guerre contre la Yougoslavie en 1999. Récompensa-t-il ses alliés ? Nullement. Il voulait les empêcher de créer l’Euroarmée dont rêvaient Chirac, Schröder et quelques industriels de l'armement.
🔸À chaque guerre, les Etats-Unis s'emparent de nouveaux marchés au détriment de leurs rivaux européens. Pas question donc que l'Europe puisse être militairement autonome. C'est pour ça que Washington torpilla les efforts de certains Européens pour une solution négociée avec la Yougoslavie et imposa les bombardements de l'OTAN.
🔸2003 - Richard Perle, figure de proue du think tank PNAC (Projet pour le Nouveau Siècle Américain): « Berlin et Paris, vous êtes trop solidaires! »
🔸« Les Français et les Allemands ont tendance en chaque circonstance à vouloir être mutuellement solidaires. La profondeur du partenariat franco-allemand s'avérera préjudiciable aux relations avec Washington. »
🔸Novembre 2003. Principal conseiller du ministère de la Défense de Reagan, Perle participe à Berlin à une conférence internationale sur les questions militaires. Il enjoint à l'Allemagne de cesser d'être de mèche avec la France. L’amiral Jacques Lanxade, chef d'état-major français, riposte: les Etats-Unis ne doivent pas essayer de semer la discorde entre Paris et Berlin. Finie, l'amitié ? En fait, la chute de l'URSS et la victoire de l'Occident en 1990 ont laissé le champ libre à la concurrence économique, politique et militaire entre les Alliés d'hier, qui le sont de moins en moins.
🔸En 2014, Nuland lancera « F*ck the EU ! ». Ce n'était pas une grossièreté accidentelle d'une femme surmenée. C’est l’expression claire de la véritable stratégie de Washington. En exprimant aussi élégamment son mépris et son hostilité envers les Européens, Nuland, envoyée d'Obama, ne se doutait pas que sa conversation avec l'ambassadeur américain en Ukraine Geoffrey Pyatt, autour du 25 janvier 2014, était interceptée (sans doute par des hackers russes). Le plus étonnant sera ensuite la discrétion totale des médias européens: on aurait pu s'attendre à une analyse sérieuse des véritables relations entre les « amis » USA et UE. D'autant que Nuland, qui a travaillé pour les républicains aussi bien que pour les démocrates, est un personnage-clé de la politique USA. Elle était numéro 2 des Affaires étrangères dans l'administration Biden.
🔸Toute la crise ukrainienne a-t-elle été annoncée dès 2015 par George Friedman ? Il dirige l'agence de renseignement Stratfor Global Intelligence, la plus influente aux USA et très proche du pouvoir. Elle conseille le gouvernement USA, des personnalités et 4 000 entreprises. Étonnant: 8 ans auparavant, Friedman annonçait ce qui allait se passer en Ukraine.
🔸1. « Nous voulons tenir en laisse l’Allemagne et toute l’EU »
« La priorité des USA est d'empêcher que le capital allemand et les technologies allemandes s'unissent avec les ressources naturelles et la main d'œuvre russes pour former une combinaison invincible. Créer un « cordon sanitaire » autour de la Russie permettra à terme aux USA de tenir en laisse l'Allemagne et toute l'UE.
🔸La préoccupation primordiale des USA, pour laquelle nous avons livré des guerres depuis un siècle - la Première, la Seconde, la guerre froide - a été la relation entre l'Allemagne et la Russie. Car, unies, elles sont la seule force qui pourrait nous menacer. »
🔸2. « Empêcher l’Allemagne d’exporter »
« L'Allemagne est extrêmement puissante économiquement, mais en même temps elle est très fragile géopolitiquement. Et elle ne sait jamais comment ni où elle peut vendre ses exportations. Depuis 1871, cela a toujours été la question allemande et la question de l’Europe. »
🔸Retenant les leçons des défaites USA (Vietnam, Irak, Afghanistan), Friedman expose que les USA ne doivent pas envoyer leurs troupes mais contrôler l'armée ukrainienne et s'en servir pour provoquer et affaiblir la Russie...
🔸3. « Un cordon sanitaire pour blesser la Russie »
« Le principal dans toute cette affaire, c'est que les USA établissent un « cordon sanitaire » autour de la Russie. Et la Russie en a conscience. Elle croit que les USA envisagent de la détruire. Nous ne voulons pas la tuer, juste la blesser un peu.»
🔸4. « Faisons la guerre, mais n’envoyons pas de troupes »
« Une intervention militaire est pour nous un cas particulier, la dernière possibilité. Nous ne pouvons pas envoyer des troupes USA à la première étape, mais quand nous envoyons des troupes - et ceci nous l'avons bien compris par l'expérience - cette intervention doit s'opérer de façon limitée et non parvenir à des dimensions gigantesques. »
🔸5. « L’armée ukrainienne, c’est notre armée »
En 2015, « …le général Hodges, commandant de l'armée des USA en Europe s'est rendu en Ukraine. Il a annoncé que des formateurs USA allaient maintenant venir officiellement, et non plus seulement officieusement. Il a remis des médailles à des combattants ukrainiens. Dans le protocole militaire, vous savez, des étrangers ne remettent pas des médailles. Mais il l'a fait. Montrant que c'était son armée. »
🔸6. « Le but n’est pas que l’Ukraine gagne la guerre, mais de faire mal à la Russie »
« Les USA ne peuvent pas occuper l'Eurasie. Dès le moment où les premières bottes touchent le sol, la différence démographique fait que nous sommes totalement en infériorité numérique. […] Donc nous n'avons pas la capacité d'aller là-bas mais, en revanche, on a la capacité de, premièrement, soutenir diverses puissances rivales (un soutien politique, économique, militaire, des conseillers) et en dernier recours, des attaques de déstabilisation : les spoiling attacks ne visent pas à vaincre l'ennemi, mais à le déstabiliser.»
Friedman confirme ici la stratégie de Brzezinski de 1997: empêcher à tout prix une alliance Berlin - Moscou et tenir l'Europe en laisse. Ce sont bien les USA qui prennent l'initiative. Leur but: affaiblir la Russie mais aussi l'Allemagne! Il s'agit d'empêcher ces relations commerciales « naturelles »: les Allemands ont besoin d'exporter et la Russie peut absorber ces exportations, les Allemands pourraient fournir du gaz à l'Europe par le Nord Stream-2 [ndlr: l'une des deux branches du pipeline est intacte]! Les sanctions décidées à Washington visent en réalité à affaiblir l'industrie allemande et toute l'Europe. L'Ukraine là-dedans n'est qu'un pion, sacrifié sans état d'âme sur le grand échiquier de la domination mondiale.
🔸Pourquoi les médias européens n'en disent pas un mot?
🔸Les médias présentent chaque crise internationale (Ukraine, Syrie, Biélorussie, Caucase, Asie centrale, Moldavie et Transnistrie) comme un événement isolé, pour lequel ils pointent chaque fois la responsabilité des « méchants » locaux ou globaux (Moscou). Ce document présente l'avantage de replacer tout cela dans le contexte général. Toutes ces crises ont été fomentées ou attisées par Washington.Toujours avec le même objectif: affaiblir les rivaux (définis par Brzezinski) et renforcer la domination régionale et mondiale des USA.
🔸Depuis 2019, toutes les propositions de la Rand ont été réalisées. Les USA ont livré des armes mortelles à l'Ukraine, augmenté leur soutien aux forces islamistes en Syrie, tenté un changement de régime en Biélorussie, exacerbé le conflit Azerbaïdjan - Arménie, tenté de prendre le contrôle du Kazakhstan (riche en minéraux et étape importante de la Route de la Soie), et ils s'efforcent d'intégrer la Moldavie dans l'OTAN.
🔸4 mesures pour affaiblir l’économie russe:
✔️augmenter la production de gaz US
✔️renforcer les sanctions commerciales et financières
✔️augmenter la capacité de l'Europe à importer du gaz d'autres fournisseurs que la Russie
✔️encourager l'émigration de la force de travail qualifiée et de la jeunesse diplômée.
🔸4 mesures pour la guerre de l’information
🔸Écoutez toujours votre adversaire. Lisez ses documents stratégiques fondamentaux. Aux USA, des organismes officiels publient des analyses exposant sans pudeur les mauvais coups à organiser. La Rand Corporation, financée par le gouvernement et l’armée, est le plus important bureau d’études du pouvoir USA: 1850 employés à son siège de Santa Monica et dans ses bureaux de Cambridge, Bruxelles et Canberra.
🔸En 2019, elle a publié Extending Russia - résumé ensuite dans Overextending and Unbalancing Russia. (Obliger la Russie à s'étendre et la déstabiliser). 47 mesures concrètes pour provoquer et affaiblir Moscou. Toutes les six mesures «géopolitiques» ont été mises en pratique.
👉«Amener la Russie à se battre»! La préface est cynique et instructive : «Les étapes que nous proposons n'auraient pas pour objectif premier la défense ou la dissuasion [...] mais sont plutôt conçues comme des mesures qui amèneraient la Russie à se battre dans des domaines ou des régions où les USA ont un avantage concurrentiel, obligeant la Russie à outrepasser ses limites sur le plan militaire ou économique ou en faisant perdre au régime son prestige et son influence au niveau national et/ou international.»
🔸Il ne s'agit pas pour les USA de se défendre, ni de préserver la paix, mais au contraire d'entraîner et d'enliser Moscou dans des conflits militaires. Provoquer la Russie pour qu'elle veuille s'étendre, puis l'accabler de reproches.
❓Pourquoi les médias européens cachent-ils ce rapport au public ?
🔸La Rand examine «une série de mesures non violentes qui pourraient exploiter les vulnérabilités et les anxiétés réelles de la Russie afin de mettre sous pression son armée et son économie ainsi que la position politique de son régime à l'intérieur et à l'extérieur.»
🔸6 mesures pour provoquer militairement la Russie:
✔️fournir une aide létale à l'Ukraine
✔️augmenter le soutien aux rebelles syriens
✔️promouvoir un changement de régime en Biélorussie..
✔️exploiter les tensions dans le Caucase du Sud.
✔️réduire l'influence russe en Asie centrale
✔️contester la présence russe en Moldavie
🔸Il est évidemment paradoxal de qualifier de «non violentes» la fourniture d'armes mortelles aux milices néo-nazies d'Ukraine, l'assistance aux terroristes islamistes en Syrie, l'exacerbation de la guerre Arménie-Azerbaïdjan, etc. «Non violentes» signifie en fait que l'armée USA ne s'engagera pas directement dans ces pays. Trop risqué. Mais il s'agit bien de stimuler des guerres pour affaiblir la Russie!
🔸Toute première mesure «géopolitique»: fournir des armes mortelles à l'Ukraine! Plutôt cynique alors que, depuis cinq ans, Kiev opprime et agresse les populations du Donbass (10 000 victimes selon les observateurs de l'OHCHR dont plus de 3 000 civils). Les «avantages» sont ainsi exposés par la Rand : «Renforcer l'assistance USA à l'Ukraine, y compris en lui fournissant des armes létales, augmenterait probablement les coûts pour la Russie, en vies humaines et en trésorerie pour tenir la région du Donbass.»
🔸Refaire le coup de l'Afghanistan? La Rand explique: «Davantage d'aide russe aux séparatistes [Ndlr: Ce qu'ils n'étaient pas: jusqu'en 2022, ils demandaient l'autonomie et le respect des droits humains] et une présence supplémentaire de troupes russes serait probablement nécessaire, menant à de plus fortes dépenses, des pertes de matériel, et à des victimes russes.»
🔸Ce que la Rand propose, c'est donc de pousser la Russie à entrer en guerre en Ukraine. Provoquer un nouvel Afghanistan (un nouveau Vietnam) pour nuire à la Russie.
🔸Dès 2019, la Rand consacre un chapitre très détaillé aux « mesures idéologiques et informationnelles ». Étonnamment, la Rand doute de l'efficacité de certaines de ses propositions et y voit des risques importants. Elle ne croit donc guère aux campagnes de promo d'un opposant comme Navalny et semble admettre que Poutine, quoi qu'on pense de lui, bénéfice d'un soutien important et stable dans la population russe. Cependant force est de constater que la campagne de propagande médiatique a réussi à installer une image très négative de Poutine en Europe.
🔸Quel rapport ! Sanctions et guerre économique pour ruiner l'économie d'un pays rival. Provocations géopolitiques pour enliser son armée dans divers conflits régionaux. Guerre psychologique et informationnelle pour isoler ce pays. Plus trois longs chapitres de mesures purement militaires (course aux armements dans l'espace, augmentation de la présence navale, augmentation des forces de l'OTAN en Europe, retrait du traité de non-utilisation des armes nucléaires, etc.). Après les échecs en Irak et en Afghanistan, les gouvernements US n'envoie plus leurs soldats en zone risquée, mais c'est toujours la guerre. Hybride et totale. Contre la Russie, contre ses alliés, et même contre l'Europe qu'ils veulent aussi affaiblir.
🔸Face aux caméras, Washington travaille à « renforcer la paix », « apaiser les tensions », « éviter l'escalade ». Dans les coulisses, elle fait exactement le contraire. Elle ne respecte ni le droit international ni la coexistence pacifique entre des régimes différents. Aussi bien pour Obama que Trump ou Biden, le seul principe est : « America First ». Seuls comptent les intérêts US et tous les coups sont permis.
🔸On s'étonne donc du silence total des médias européens. Pourquoi cachent-ils ce rapport qui permet de comprendre ce qui est arrivé? Un rapport qui ridiculise le refrain sans cesse ressassé «Poutine parano - Personne ne menace la Russie ». Bien sûr que si ! Les très officiels experts de la Rand, grassement payés par leur gouvernement, ont rédigé 47 mesures pour miner la Russie, et toutes sont appliquées.
Source: Michel Colon, Ukraine. La guerre des images
vendredi 1 novembre 2024
La Joie de Vivre (Anthony Gross, Hector Hoppin,1934)