Un an après les attaques du Hamas en Israël, le nombre de signalements et plaintes pour «apologie du terrorisme» a explosé. L’ancien juge, qui s’était positionné pour un renforcement des sanctions, dénonce aujourd’hui un «véritable abus». par LIBERATION et AFP publié le 9 octobre 2024 à 12h40
Ça n’était pas ce qu’il avait prévu. L’ex-juge antiterroriste Marc Trévidic, qui avait soutenu dans les années 2010 le durcissement des sanctions pour apologie du terrorisme, a nuancé sa position, ce mercredi 9 octobre. La multiplication des poursuites pour ce délit constitue «un véritable abus» et un «usage totalement dévoyé de la loi», dénonce-t-il dans l’Humanité.
Depuis l’attaque sanglante du Hamas en Israël, le nombre de signalements et plaintes pour «apologie du terrorisme» a explosé. Entre le 7 octobre 2023 et le 23 avril 2024, le parquet de Paris, qui gère la majorité de ces affaires, comptait 386 saisines en lien avec ce conflit – à titre de comparaison, pour l’année 2022, le pôle haine en ligne avait été saisi 500 fois, toutes affaires confondues. «On voit pleuvoir les condamnations, parfois très lourdes, jusqu’à plusieurs années de prison ferme», constate le magistrat, désormais président de la cour d’assises à Versailles. «On est dans un véritable abus, un usage totalement dévoyé de la loi», ajoute-t-il.
«Il faudrait oser faire marche arrière»
Créée en 2006, l’apologie du terrorisme était une infraction relevant du droit de la presse et donc de la liberté d’expression avant de passer en 2014 dans le droit commun pour être réprimée plus sévèrement. La peine encourue est de cinq ans d’emprisonnement, sept si publication en ligne. Marc Trévidic reconnaît qu’il avait pourtant plaidé, quand il était juge d’instruction antiterroriste, auprès de Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, pour changer la loi, constatant «l’influence croissante des sites islamistes dans le recrutement des jeunes».
Aujourd’hui, il porte un regard critique sur cette évolution. «Il aurait fallu laisser l’apologie du terrorisme dans la loi sur la presse et édicter un texte de répression spécialement consacré aux sites de propagande jihadiste», estime-t-il. Actuellement, «tous les tribunaux sont compétents», «tous les juges peuvent apprécier si une parole, un texte, une pancarte est un acte terroriste ou pas», remarque le magistrat. «Or, c’est une notion qu’il faut savoir manier. C’est dangereux de ne pas avoir de spécialiste là-dessus», estime-t-il.
L’apologie de crime de guerre, par contre, est restée inscrite dans la loi sur la presse. «On peut aujourd’hui clamer que les bombardements sur Gaza sont légitimes sans être poursuivi», ou alors dans le cadre de la loi sur la presse avec beaucoup de contraintes, avance-t-il. «Tandis qu’un simple tag en soutien à la Palestine vous fait encourir la prison.» «Il faudrait oser faire marche arrière. Tout cela m’a servi de leçon», conclut-il.