[Source -> Guy Debord, Correspondance, volume "0" (septembre 1951- juillet 1957), Librairie Arthème Fayard, 2010, p. 71]
– Extrait de lettre de Guy Debord à Gil J Wolman du mercredi 7 septembre 1955 –
Je me suis finalement rendu à la fête de l'Huma [fête annuelle organisée par le journal L'Humanité], le samedi soir assez tard: assez jolies tendances à la dérive – dans l'avenue Lénine qui commence un peu partout on s'entend crier par haut-parleurs. "camarades, buvez un verre de (mousseux) contre la répression en Algérie"
ou:
"Mangez une choucroute pour les métallos de Nantes"
et même:
"Buvez de la vodka de Moscou – 80 francs le verre, pour la détente..."
ou à peu de choses près.
On aboutit à quelques places très floues perdus dans des petits bosquets d'arbres, et dites: de l'unité, Karl Marx, etc.
Mais aussi l'iconographie habituelle, le portrait de Maurice [Thorez, secrétaire du parti communiste français] partout – des chansons idiotes, du folklore à n'y pas croire, les communistes d'Auvergne étant vêtus en Auvergnats, ceux de Brest en Bretons, et ainsi de suite: Louis XVI n'aurait pu souhaiter mieux.
Relevé sur un stand de librairie en lettres énormes: une phrase de Lénine juge tristement cette kermesse:
SANS THÉORIE RÉVOLUTIONNAIRE PAS D'ACTION RÉVOLUTIONNAIRE.
Guy Debord et les gars de l'Internationale lettriste dérivaient tout particulièrement dans le 13e arrondissement, riches en ambiances et je dirais même en "ailleurs" par son caractère excentré et ferroviaire-industriel: par ses chemins et voies ferrées qui mènent à l'Italie et l'Espagne, mais qui sont aussi le début de la croissance psychogéographique du Continent Contrescarpe vers le Sud, pour "construire l'Hacienda".
Debord a-t'il lu le polar de Léo Malet de 1956? Il a toujours lu des polars pour les ambiances notamment, ou encore d'autres "mystères" de Paris comme les vagabondages de Jean-Paul Clébert dans Paris insolite de 1952...
***
En 1987, Léo Malet (1909-1996) parlait de son quartier du XIIIe arrondissement
Reportage chez Léo Malet. A travers des images du quartier du 13ème
arrondissement, Léo Malet parle du quartier du quai de la gare, de la
rue Watt, du pont de Tolbiac et du parcours de Nestor Burma.
Reconstruction photographique des dessins de Tardi pour Brouillard au Pont de Tolbiac (texte et images de Thierry Depeyrot)
Léo Malet est né à Montpellier le 7 mars
1909. Nous célébrons donc cette année le centenaire de sa naissance. En
deux ans de temps, son père, ouvrier de commerce, sa mère, couturière,
ainsi que son frère meurent tous de la tuberculose alors qu’il n’avait
que 3 ans. Il est alors élevé par son grand-père tonnelier qui, en dépit
de sa condition ouvrière, lui donne le goût de la littérature, du
théâtre... et du socialisme. A 8 ans, il écrit ses premiers romans. A 16
ans, en 1925, lassé de son emploi dans une banque, il arrive à Paris et
vit de petits boulots, voir de rapines. Il écrit également des poésies
et des articles dans des revues anarchistes, doctrine à laquelle il
adhère à ce moment là.
Il réside au gré des opportunités,
notamment au foyer végétalien du 182 de la rue de Tolbiac où il côtoye
divers marginaux refusant l’ordre établi, qu’il soit naturel
(végétaliens) ou social (anarchistes, libertaires). Il débute comme
chansonnier au cabaret La Vache Enragée à Montmartre, devenant alors le
plus jeune chansonnier de la Butte, mais doit chercher un autre travail
car son patron oublie souvent de le payer. Exerçant plusieurs métiers
tels qu’employé de bureau, manoeuvre, journaliste, téléphoniste,
figurant de cinéma, crieur de journaux, son existence parisienne est
très malheureuse et précaire, subsistant avec peine, à tel point qu’il
est arrêté et emprisonné brièvement à la prison de la petite Roquette
pour avoir été trouvé endormi sous le pont de Sully. On comprend mieux
alors le "compte" que Léo Malet avait à régler avec Paris, et plus
particulièrement le 13e arrondissement. La vente de journaux à
l’angle de la rue Sainte-Anne et de la rue des Petits-Champs lui
assurera l’essentiel de ses revenus jusqu’en 1939. Il y situera plus
tard le bureau de Nestor Burma.
C’est en 1942 qu’il publia La mort de Jim Licking, suivi en 1943 de 120, rue de la Gare
qui marque la naissance de Nestor Burma, anti-héros type, tout le
contraire d’un être infaillible et sans défaut. Nestor Burma peut se
tromper, hésite souvent, est sensible, fidèle à ses amis et a de
récurrents problèmes d’argent.
Léo Malet fut, en 1948, le premier lauréat du Grand Prix de la Littérature Policière.
En 1954 fut publié le premier ouvrage de ses Nouveaux Mystères de Paris, Le Soleil nait derrière le Louvre.
Cette série lui vaudra le Grand Prix de l’Humour Noir en 1958. Chacun
de la quinzaine d’opus de la série se déroule dans un arrondissement
différent.
Ce poète surréaliste est décédé le 03 mars 1996.
Léo Malet avait la dent dure envers le 13e
arrondissement de Paris. Il y avait très mal vécu. Dans son roman
policier, il fait dire à Nestor Burma : "C’est un sale quartier, un
foutu coin, dis-je. Il ressemble aux autres, comme ça, et il a bien
changé depuis mon temps, on dirait que ça s’est amélioré, mais c’est son
climat. Pas partout, mais dans certaines rues, certains endroits, on y
respire un sale air. Fous-en le camp, Belita. Va bazarder tes fleurs où
tu voudras, mais fous le camp de ce coin. Il te broiera, comme il en a
broyé d’autres. Ça pue trop la misère, la merde et le malheur...".
Ou encore : "C’était un sale quartier.
Il collait à mes semelles comme la glu aux pattes de l’oiseau. Il était
écrit que je l’arpenterais toujours en quête de quelque chose, d’un
morceau de pain, d’un abri, d’un peu d’amour. Je le sillonnais à la
recherche de Bélita. Elle n’était pas nécessairement revenue dans le
coin. Il y avait même de fortes chances pour qu’elle soit allée
ailleurs, mais moi, j’étais là. Et peut-être pas tellement à sa
recherche. Peut-être simplement pour régler un vieux compte avec ce
quartier".
Plus loin, il ajoute : "Le XIIIe
arrondissement fourmille de rues aux noms charmants et pittoresques, en
général mensongers. Rue des Cinq-Diamants, il n’y a pas de diamants ;
rue du Château-des-Rentiers, il y a surtout l’asile Nicolas-Flamel ; rue
des Terres-au-Curé, je n’ai pas vu de prêtre ; et rue Croulebarbe, ne
siège pas l’Académie Française. Quant à la ruelle des Reculettes...
hum... et celle de l’Espérance...".
Alain Demouzon, dans son Château-des-Rentiers, ajoute à cette liste la clinique de maternité, "curieusement baptisée Jeanne d’Arc".
Comme
il l’écrivait dans ses « propos badins » préfaçant la bande dessinée de
Jacques Tardi, Léo Malet avait cru écrire un roman contre le 13e
arrondissement, avec lequel il avait un vieux compte à régler, et
finalement, il a fait figure de défenseur de cet arrondissement en
l’immortalisant. Comme il l’avouait lui-même, Léo Malet n’était pas du
tout sensible au « neuvième art » mais il a tout de même eu un coup de
coeur pour le coup de crayon de Jacques Tardi et c’est ainsi que son
roman « Brouillard au pont de Tolbiac », sorti en 1956 chez Robert
Laffont, s’est retrouvé adapté par l’un des grands maîtres de la bande
dessinée. Tardi nous fait ainsi redécouvrir le 13e arrondissement des
années 50.
C’est en étudiant attentivement les
cases représentant les marches de l’escalier donnant sur le pont de
Tolbiac, connaissant très bien le lieu, que je me suis aperçu de leur
fidélité au modèle original. Je me suis alors dit que s’il s’était ainsi
appliqué sur ce lieu, il n’y avait aucune raison qu’il n’en soit pas de
même pour les autres décors de l’action. Me voilà donc parti, armé d’un
appareil photo numérique, à la recherche des lieux traversés par Nestor
Burma, avec pour seule aide les indications des phylactères,
communément appelées "bulles", ou du polar d’origine. Je ne m’étais pas
trompé : quasiment chaque case est une photographie fidèle d’un passé
pas si lointain, nous permettant de juger l’évolution de ces quartiers
populaires. Je me suis efforcé de respecter les angles de vues des cases
pour mes photographies afin de les reproduire le plus fidèlement
possible. J’ai d’ailleurs failli à plusieurs reprises me faire renverser
par des voitures ou arrêter par la police en traversant les voies sur
berges au niveau du pont d’Austerlitz afin d’y accéder... jusqu’à ce que
je m’aperçoive que Tardi avait dessiné les piliers de l’autre coté du
pont, beaucoup moins dangereux d’accès. Tout au long de cet exposé, vous
pourrez apprécier le respect des détails auquel s’est livré le
dessinateur, ce qui est à mes yeux la preuve la plus flagrante de son
amour pour cet arrondissement. D’ailleurs, sûrement Tardi avait-il
entrepris la démarche inverse pour ses dessins et peut-être aurions-nous
pu le croiser au début des années 80, rue de Tolbiac, place d’Italie ou
près de la Pitié-Salpétrière, un appareil photo à la main, argentique à
cette époque, dressant le décor de ce qui deviendra à mes yeux, son
chef-d’oeuvre. Pour ses dessins, Tardi a donc mixé ses photos prises au
début des années 80 avec ses propres souvenirs pour nous faire revivre
notre 13e tel qu’il se présentait dans les années 50. Pas de
nostalgie excessive car, bien sûr, des taudis insalubres ont été démolis
et le "progrès" a fait son apparition, mais parfois, la froideur de
certains quartiers rénovés peut nous faire regretter la gouaille des
marchands de quatre-saisons et la quasi-disparition des petits commerces
ayant laissé la place à des banques et autres agences immobilières.
Pour cette étude, j’ai reproduit photographiquement plus de 60 cases de
l’album de Tardi. Je vous en livre une partie très représentative et
vous incite vivement à découvrir vous-même le reste en vous procurant le
roman et cet album BD aux éditions Casterman.
La
première case de la première planche de l’album nous montre un homme,
le regard fou, marchant sur le pont de Tolbiac. Il est donc logique de
débuter notre pérégrination par ce chef-d’oeuvre de la métallurgie
construit entre 1879 et 1882 puis reconstruit en 1893 et qui traversait
jusqu’en 1994, date de son démontage, les voies ferrées de la gare
d’Austerlitz, très proche. Alors qu’il n’était pas exclu qu’il puisse un
jour être remonté dans le quartier, ses éléments rouillent toujours, 15
ans plus tard, quelque part dans l’Eure. Bon, vous pourrez toujours
dire que sa couleur bleue en fin de vie jurait un peu avec le paysage...
Le
respect des détails est vraiment impressionnant de réalisme. J’ai
volontairement tiré mes photos en noir et blanc afin de ne pas en
fausser le résultat. Même les luminaires ont gardé leur place. En haut
de cet escalier, il y a la rue et le pont de Tolbiac.
Ici,
difficile d’avoir exactement le même angle de vue que le dessin de
Tardi car il se tenait sur la rue Ulysse Trélat venant de la rue du
Chevaleret et qui donnait en montant sur le pont de Tolbiac. La fenêtre
visible en haut à droite a, depuis, été murée.
La
rue Ulysse Trélat a aujourd’hui disparu, en même temps que l’ancien
viaduc. A l’époque, c’était la seule rue de Paris sans aucune
numérotation car aucune habitation ne la bordait.
Cette carte centenaire de la rue Ulysse Trélat est une vue très rare.
Léo Malet nous brosse vraiment un portrait très sombre, brumeux, inquiétant, étouffant et écrasant du 13e.
Même la lumière ne parvient plus à nous parvenir. Il dit en effet dans
le roman, en parlant du pont de Tolbiac : "De loin en loin, les globes
électriques perçaient péniblement la brume de leur lumière
fantomatique". Il fait également référence au "sale air" qu’a
l’impression de respirer Burma. Ou encore cette citation : "Le
brouillard qui envahissait la cour se plaqua sur nos épaules comme un
linge mouillé". Les passages de ce genre sont légion dans le roman. Vous
pourrez remarquer dans les images qui suivent la barre sombre
récurrente qui revient souvent en haut des cases de la BD. Le
brouillard, omnipésent, filtrant la lumière, rendant opaque toute
perception, peut être perçu comme symbole de la réalité masquée, celui
de l’illusion. Il pleut beaucoup dans Brouillard au pont de Tolbiac, ce qui participe pour beaucoup à l’ambiance morose.
Cette barre supérieure sombre qui
revient dans beaucoup de cases peut également nous faire rappeller les
conditions particulières dans lesquelles Léo Malet a écrit son roman. En
effet, ce dernier, pressé par son éditeur, lui avait remis une bonne
moitié de son roman inachevé afin de gagner du temps mais se retrouvait
par là-même enfermé dans son histoire, sans la possibilité de revenir en
arrière, ni de corriger d’éventuelles contradictions avec la fin du
récit. Il s’est ainsi retrouvé lui-même enfermé dans son récit.
Lorsqu’il
arrive au carrefour Cantagrel-Watt-Chevaleret, Burma frémit à l’idée
qu’il va emprunter l’une des rues les plus glauques et sordides du 13e, si ce n’est de tout Paris : la rue Watt.
Décidément, Léo Malet a bien choisi ses
décors pour les crimes de ses romans. Ici, le carrefour n’a pas trop
changé. Il est juste beaucoup plus fréquenté depuis que la rue Patay a
été mise en sens unique.
Sur la droite, on reconnait le Théâtre
du Lierre. Je me souviens d’une exposition de planches originales de
Tardi dans ce lieu dans les années 90’. Jacques Toubon, alors maire du
13e, était à l’inauguration.
Si
ce n’était un raccourci pour atteindre les quais menant à Ivry, évitant
ainsi de nombreux feux, je ne vois pas quel motif nous pousserait à
emprunter cette rue longuement recouverte par les voies de chemin de fer
de la gare de marchandises et de la ligne Paris-Orléans. J’ai également
pris des photos sous le pont, à l’endroit exact où se tiennent Burma et
Bélita, pour reproduire le lieu de la scène du crime et, croyez-moi,
asthmatiques s’abstenir... L’obscurité lugubre, la poussière et les
mauvaises odeurs y sont toujours reines.
Ici,
Burma emprunte la rue Cantagrel, où se tient un centre d’hébergement de
l’Armée du Salut. Signe d’un arrondissement historiquement peu
favorisé, le 13e est celui où l’on trouve le plus d’oeuvres
de bienfaisance. La Mie de Pain, Le centre Nicolas Flamel, l’Armée du
Salut en sont quelques exemples.
Burma
aborde ici la rue du Loiret. Le bâtiment que l’on voit au fond est une
ancienne gare de la petite ceinture, devenue ultérieurement station
Masséna du RER C, désaffectée depuis la mise en service de la ligne 14
du métro, Météor.
Après
avoir traversé le passage souterrain de cette station désaffectée, nous
arrivons sur le boulevard Masséna. Nous apercevons sur la droite les
derniers vestiges de la ligne de la petite ceinture.
En nous dirigeant vers Ivry, nous pouvons voir ce qui reste de l’ancienne usine d’air comprimé.
La grande cheminée, en haut, à gauche, en fait partie.
Cette usine avait été construite en
1891. Elle fournissait, entre autre, la pression nécessaire aux
ascenseurs hydroliques ainsi qu’aux réseaux de transmission par
pneumatique. La halle et la cheminée restants sont classés, depuis 1994,
à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. La halle de la
Sudac, aujourd’hui en réhabilitation, est destinée à accueillir une
école d’architecture.
Comme
l’explique Franck Evrard dans son essai LE TREIZIEME AU NOIR (e-dite -
2004) dont je me suis beaucoup aidé pour cette étude, on peut s’étonner
que tant d’auteurs de romans policiers aient choisi le 13e
pour planter le décor de leur intrigue. Il donne à cela plusieurs
raisons d’ordre historique, sociologique et géographique ; le 13e a mauvaise réputation. Bien avant Victor Hugo et ses Misérables, Rabelais déjà y plantait le décor de plusieurs scènes croustillantes. Le passé ouvrier miséreux du 13e
aide également à se sentir "dans l’ambiance". Le grand nombre de crimes
et délits célèbres, celui de la Bergère d’Ivry pour ne citer que celui
là, qui avait, en son temps, défrayé la chronique, finit d’assoir cette
réputation sulfureuse. Franck Evrard explique également ce choix du 13e
par la situation géographique de l’arrondissement, au sud-est de Paris,
et qui n’appartenait pas à la capitale il y a trois siècles.
Revendiquant sa différence par rapport aux beaux quartiers de Paris, sa culture ouvrière en marge de ceux-ci, le 13e
présente donc une analogie avec le polar, longtemps considéré comme -
je cite - "un divertissement mineur atypique, longtemps marginalisé dans
le ghetto de la sous-littérature de gare".
Les auteurs de romans policiers s’y
retrouvent donc largement. Je ne saurais trop vous encourager à lire cet
ouvrage très riche en références du genre.
L’été
dernier, j’ai eu tout loisir de visiter le plus grand hôpital d’Europe
afin d’y poursuivre mon jeu de piste. Je ne vais pas en faire ici le
riche historique mais j’y reviendrai longuement dans un prochain numéro
de la revue HISTOIRE & HISTOIRES... du 13e ainsi que sur les
médecins qui en ont fait sa renommée, tels Philippe Pinel, Jean-Martin
Charcot et autres Esquirol ou Jenner.
La
carte postale ci-contre nous montre la statue de Charcot, et non
Philippe Pinel comme j’ai pu l’indiquer dans le n°2 de la revue.
Ici, nous voyons la voiture de Burma
quitter la Pitié Salpétrière et emprunter le boulevard de l’Hôpital en
direction de la Place d’Italie. Nous sommes au niveau du boulevard
Saint-Marcel.
Autrefois barrière de Fontainebleau,
aujourd’hui place d’Italie. Elle a pris sa forme actuelle en 1864. La
place d’Italie est à la jonction des quatre quartiers composant notre
arrondissement, La Gare, Salpétrière, Maison-Blanche et Croulebarbe.
Après la place, nous abordons l’avenue d’Italie, au niveau de la station de métro Tolbiac.
Après
14-18, Paris doit réapprovisionner les Halles en produits frais. La
Compagnie Ferroviaire de Paris-Orléans construit donc les "frigos", lieu
où seront stockés directement par le rail les denrées fraîches. En
1921, la Gare Frigorifique de Paris-Ivry voit le jour. Les trains y
pénétraient au coeur même du bâtiment pour livrer leur marchandise. La
glace nécessaire était fabriquée sur place et un système de rails fixés
au plafond acheminait les marchandises en relai du train. Le marché de
Rungis ayant remplacé les Halles de Paris à la fin des années 60’, les
Frigos cessent leur activité au même moment. Après une quinzaine d’année
à l’abandon, la SNCF, propriétaire des lieux, louera une partie des
surfaces et les années 80’ verront toute une population d’artistes s’y
installer.
Les
Grands Moulins de Paris ont été construits entre 1919 et 1924. Le
moulin est entré en service en 1921. J’ai un oncle qui y a travaillé
comme électricien durant de nombreuses années. Il était devenu le plus
grand moulin du monde. A sa fermeture, le 27 novembre 1996, on y
écrasait plus de 1800 tonnes de blé par jour. Aujourd’hui reconstruit,
le site accueille des UFR de Lettres et Sciences Humaines, la
bibliothèque et autres services aux étudiants de l’Université Paris VII -
Paris Diderot. La halle aux farines est devenue le pôle central
d’enseignement et accueille également le restaurant univesitaire.
Nous suivons Burma rue de Tolbiac, au
niveau de la rue Bobillot. Nous apercevons l’église
Sainte-Anne-de-la-Butte-aux-Cailles et sa célèbre "façade chocolat".
Là, nous sommes juste au niveau de la librairie Jonas.
La rue de la Maison-Blanche se jette dans la rue de Tolbiac.
Pour parfaire la prise de vue,
impossible d’attendre qu’un bus passe (le 62 existe toujours) car le
trottoir a été modifié et l’angle de prise de vue aurait été trop large.
Voici
le cliché qui m’a valu une grosse montée d’adrénaline. En fait, je
m’étais, dans un premier temps, trompé de coté pour la prise de vue et
ai dû jouer les toréadors pour traverser les voies sur berges. Avant de
m’apercevoir que les détails des dessins ne correspondaient pas... C’est
beaucoup plus calme de l’autre coté de la Seine.
Edifié
en 1904 pour le passage du métro, le viaduc d’Austerlitz a été
effectivement mis en service en 1906, le 14 juillet très exactement.
C’est le plus long des ponts de Paris entre appuis puisqu’il traverse la
Seine sur 140 mètres, sans autre pilier intermédiaire.
Quel cabotin ce métropolitain !
Il s’est fait un malin plaisir à apparaître sur chacun des trois clichés...
C’est
à la droite de ce viaduc que la Bièvre se jetait dans la Seine avant
d’être détournée dans les égouts de la rive gauche, après son
recouvrement en 1910.
Une dérive d'une nuit dans Rome occupée/libérée. Un voleur philosophe enmène l'action, un petit cognac par-ci, un autre par-là, retour au même bistrot à l'aube. Le tout sur fond d'une histoire de perles qui fait avancer l'intrigue, mais le véritable protagoniste est cette nuit romaine entre survie et surréalisme, où surtout les femmes pâtissent, entraînant les parcours, les rencontres. C'est un peu triste, plein de nécessité, je l'adore ce "petit film". Vittorio de Sica, l'amnésique, deviendra ministre. Le couple qu'il fallait, sera. Le voleur continuera à soulager les portefeuilles le long des rues ("buon viaggio!").
Réalisateur: Marcllo Pagliero; Photographie: Aldo Tonti ; Musique: Nino Rota (la mélodie des Vitelloni).
Con una mirada particular cargada de compromiso y crítica social, Vilageliu, parte esencial del colectivo Yaiza Borges, compone este cortometraje de inspiración surrealista en el cual los acontecimientos se relacionan de un modo subterraneo en torno a la vida en un barranco y sus gentes. El relato contado por capas, como si de los estratos geológicos del barranco se tratara, indaga sobre el devenir del territorio en un ejercicio de crítica a la espectulación urbanística y de cómo las ideas de desarrollo moderno flaquean cuando hay problemas estructurales y latentes en las capas inferiores de la sociedad. En este trabajo se revela en toda su crudeza el olvido y la dejadez con la que es tratada la vida en este espacio, nos habla del infortunio del lugar y de sus habitantes destinados al letargo social y a una condena de abandono. El título explícito, Los barrancos afortunados, es una clara alusión al eslogan de campaña de la promoción turística que pretendía situar a las Islas Canarias como el paraíso consumista de los puertos francos. Una imagen de postal, Las islas afortunadas, que no conforma la realidad del archipiélago y que encierra un sarcasmo cruel donde se esconden problemas latentes a punto de estallar.
La marcada estética experimental del catalán Josep Vilageliu crea un imaginario propio fuera de convencionalismos y expande los límites del lenguaje cinematográfico. El artista ha desarrollado la mayor parte de su carrera en el contexto canario (texto de presentación del video en la exposición "Concretos" del TEA de Santa Cruz de Tenerife, 7/10/22-8/10/23).
Je n'ai pas trouvé de traces particulières dans les écrits de Guy Debord sur les films du néoréalisme italien. Bien sûr il y a L'Avventura de Michelangelo Antonioni, sur lequel je reviendrai: un film de déambulation, mais qui marque en 1960 la fin du cycle historique de ce style.
Pourtant, le néoréalisme italien me paraît être le cinéma contemporain de sa jeunesse le plus proche du sentiment de dérive. Avec l'avènement de ce style, a lieu ce que Gilles Deleuze appelle la transition de l'image-mouvement à l'image-temps. C'est le genre de cinéma qu'André Bazin appelait dans Qu'est-ce que le cinéma? en 1958 du "cinéma pur" parce que justement il donnait "l'illusion esthétique parfaite de la réalité", en pensant en particulier au Voleur de bicyclette de Vittorio de Sica (1948).
Il me semble que c'est parce qu'il rend particulièrement ce sentiment que Debord cite dans une de ses lettres le cinéma de Jean Rouch: " Rouch. Tout à fait en marge du cinéma, mais justement par là l'élargissant considérablement, à partir uniquement de reportages ethnographiques Les Maîtres-Fous et Moi, un noir." (Lettre à Frankin du 7 septembre 1959).
À défaut qu'il le cite, c'est sur Roberto Rossellini que je voudrai mettre l'accent. Il mérite d'être tout spécialement mentionné lorsqu'il est question de films de déambulation. "Les choses sont-là, pourquoi les modifier", aimait-il à dire en forme de boutade. Laisser-aller les choses, c'est aussi cela qui se passe lors des dérives, intégralement, partiellement (ou de manière minimale si celui-ci est dialectiquement sous contrôle, orienté par des objectifs comme le retour-sur-expérience utiles à la psychogéographie, et in fine construire l'Urbanisme unitaire).
Il fut le pionnier du néoréalisme avec Rome, ville ouverte (1946), puis du réalisme méditatif avec Voyage en Italie (1954) et du réalisme historique avec La Prise de pouvoir par Louis XIV - trois ruptures décisives par lesquelles il a ouvert la voie. J'ai envie de dire qu'il la ferme aussi en un lieu précis, Paris, avec son dernier film en 1977, fait pour la télévision, Beaubourg, centre d'art et de culture Georges Pompidou. Il ne s'agit pas juste decla clôture finale de son œuvre, c'est aussi d'un point de vue debordien la vision d'une fin de Paris: le crépuscule de celle qui fut la ville de naissance de la psychogéographie et de la dérive; laissant en quelque sorte ces définitions seules, orphelines, face au décor initial détruit. Le centre d'art Beaubourg, qui se lève sur le plateau Beaubourg, était censé dans la décennie 1970 redonner du lustre à la capitale déchue de l'art, supplantée par New-York dans la décennie précédente. Il ne fera que confirmer la relégation, un trophée de consolation pour ce que l'on appellera bientôt la "classe créative". C'est la fin du Paris historique de la dérive, c'est-à-dire du théâtre grandeur nature de la lutte des classes, avec justement l'expulsion des classes populaires vers les banlieues. Tout proche de là, le transfert des Halles, le ventre de Paris, à Rungis, est un événement majeur: ressenti comme la plus grande amputation de cette période. Sans ce substrat populaire, survient la grande coupure du Je artiste et du Nous prolétarien (coagulés durant la Guerre de 1914-1918). On pourra désormais réélire un maire de Paris au suffrage universel (le danger communard est définitivement écarté) et faire de l'art conceptuel. Par contre plus personne ne chantera Paris.
En 1977, le
Centre Pompidou ouvre donc ses portes. Le tournage s’étale du mois de janvier à mai 1977. Le film ne comporte aucun commentaire. Témoigne seule la réalité
sonore du lieu. C'est ce contact du public confronté directement à l'art contemporain,
dans sa spontanéité et sa sincérité, que Rossellini veut saisir. Pour cela,
il adopte un principe de déambulation qui lui est cher et lui permet d'accumuler
les observations. "Il ne s'arrête pas aux œuvres, commente Alain Bergala,
ce qui l'intéresse, c'est le rapport du public aux œuvres." D'où parfois
un côté Tati, cocasse, car le public
n'a pas encore appris à révérer l'art contemporain. Et un intérêt sociologique
certain.
"Beaubourg est un phénomène important" déclarait
Roberto Rossellini à Ecran 77. "J’ai regardé le phénomène.
(…) Je n’ai utilisé dans le film ni musique ni narrateur.
J’ai voulu montrer Beaubourg. J’ai caché des dizaines de
micros et j’ai recueilli toutes les voix du public qui court en masse
à Beaubourg."
Conscient de l’importance historique du moment, le producteur Jacques Grandclaude
propose à Rossellini de le filmer pas à pas, plan par plan,
durant toute la réalisation du film. Convaincu par cette démarche
qu’il qualifia en souriant "d’entomologiste", celui qui
n’avait jamais accepté qu’on le filme de cette manière,
devenait l’acteur principal d’une "leçon de cinéma". Voir le film Rossellini au travail