On a souvent voulu comparer E. Macron à
un Caligula, ou un Néron, pour son goût des outrances, du pouvoir
personnel, et sa propension à tout brûler derrière lui, en ne laissant
qu’un champ de ruines : « après moi, le Déluge ! » – tel est l’éternel
cri de ralliement de toute la bourgeoisie impérialiste, noyée dans son
narcissisme infantile.
Pourtant, ce serait bien injuste
envers Caligula et Néron, dont le style flamboyant cachait une vraie
vision politique (« un programme » comme on dirait aujourd’hui, dont un
E. Macron avait dit un jour qu’il s’en « foutait »), et surtout, une
orientation sociale favorable à la plèbe, contre l’aristocratisme du
Sénat : les populares contre les optimates,
orientation populaire qu’on aurait bien du mal à retrouver chez E.
Macron, qui a fait de la haine du travailleur et du « populo » la
profession de foi de sa République conservatrice. Il faut ici rendre
hommage, entre autres, à un Lucien Jerphagnon,
pour avoir magnifiquement vulgarisé et synthétisé la recherche
historique sur l’Empire romain, et démontré que les calomnies dont on a
accablé maints « mauvais empereurs » (comme un Caligula et un Néron)
cachaient en réalité chez les historiens antiques une farouche haine de
classe envers ceux qui avaient osé s’attaquer aux intérêts des classes
dirigeantes. Pourtant, même un Suétone doit concéder à la fin de sa vie de Néron
cet aveu touchant : « Il ne manqua pas de gens pour orner longtemps
après sa tombe de fleurs en printemps, et en été…. ». On doute que notre
président-incendiaire, dernier avatar d’un libéralisme-libertaire en
phase terminale, puisse prétendre à une telle postérité.
Mais dès lors que la métaphore romaine
reste néanmoins parlante pour évoquer notre situation présente et notre
« forcené de l’Élysée », on aurait plutôt tendance à tourner le regard
vers un autre histrion qui régna sur Rome, moins connu, mais plus
incendiaire : le jeune enfant syrien Héliogabale, empereur de Rome de
218 à 222, mort assassiné (dans des toilettes publiques dit-on !) à
l’âge de 19 ans.
Grand prêtre venu d’Orient dans des
circonstances rocambolesques, avec la mégalomanie et l’arrogance de son
jeune âge, Héliogabale passa toutes les mesures, bafoua au pied toutes
les traditions romaines et les institutions, s’adonnant à des orgies
sacrées dont l’outrance aurait fait passer les règnes de Caligula et
Néron pour d’aimables happening. Un camée de l’époque, conservé
à la BNF, le représente dans une procession publique, nu sur un char,
tiré par deux femmes dénudées à l’avant : il faut le voir pour le
croire, et l’antique vertu romaine du se retourner dans sa tombe !
Inutile de dire que ses frasques
n’inquiétèrent pas outre mesure les intérêts économiques des classes
dirigeantes, lui que l’empereur Julien surnommera 150 ans plus tard, de
façon lapidaire, « le playboy d’Emèse ». On vit se hisser au sommet de
l’État des canailles en tout genre : un ancien acteur comique prit la
direction de la garde prétorienne, un de ses mignons crapuleux fût
presque nommé César, et la haute administration se peupla d’un coup
d’eunuques, de travestis, de coiffeurs, de cochers de cirque – bref, le lumpenprolétariat
et le monde de la nuit avait pris le pouvoir, sans dommage pour les
grands propriétaires fonciers. On croirait voir le portrait craché de la
macronie, avec son carnaval bariolé de Benalla, de Attal, de Séjourné,
de Castaner, de Darmanin, de Sibeth Ndiaye, de Bruno « renflement brun »
Le Maire, et autre Schiappa en tout genre ! On sait qu’une classe est
perdue quand pour se maintenir au pouvoir elle ne trouve plus que des
individus à la moralité nulle, au mépris assumé de la rationalité, et
qui outrepassent toutes bonnes mœurs élémentaires.
Après la mort burlesque d’Héliogabale,
un règne terne et sans intérêt se passa, celui de Sévère Alexandre, un
cousin placé là par sa grand-mère arriviste. Mais à sa mort débuta l’une
des périodes les plus sombres de l’Histoire de Rome : celle de
« l’anarchie militaire », et du coup d’État permanent – en 49 ans, de
235 à 284, Rome vit défiler 23 empereurs, soit une moyenne de un tous
les deux ans. Treize périrent assassinés, 7 au combat, 2 suicidés, et un
seul mourra dans son lit, de la peste. Un beau palmarès ! Seul un
Dioclétien saura, après ce désastre, relever le pouvoir romain pour un
temps.
Notre Héliogabale est mort le 9 juin
2024, terrassé par sa propre vanité de ne pouvoir régner sans crâner de
façon effrontée sur la scène internationale. Notre période d’anarchie
politique vient de s’ouvrir, et elle ne se terminera que lorsque nous
aurons trouvé notre Dioclétien.
1) Comment en sommes-nous arrivés là ?
Pour comprendre l’étendue du désastre,
et ce qu’elle prépare, il faut remonter à la source, et analyser les
raisons de cette Bérézina.
On pourrait bien sûr remonter loin en
arrière, pour comprendre ce qui forme le cadre structurel de la crise
actuelle. Il y a bien entendu en premier lieu une mutation politique, la
formation dans l’après-guerre du « carcan européen », c’est-à-dire,
après la montée en puissance d’un impérialisme américain devenu seul
impérialisme valable, l’imposition par celui-ci d’un cadre
supra-national, destiné à brider toute volonté populaire, toute
souveraineté nationale, et toute politique économique alternative au
capitalisme.
Ce carcan évoluera jusqu’à former le traité de Maastrisch, l’UE, et
l’interdiction pure et simple du socialisme comme politique, sous peine
d’être rejeté hors du cadre européen, et de voir ses reins brisés par
les institutions supranationales. En second lieu, il y a une mutation
anthropologique, le « libéralisme-libertaire », théorisé dans les années
70 par Michel Clouscard : tout sérieux dans l’existence doit être
refoulé, la seule consommation devient l’horizon anthropologique unique
de l’individu, et la production devient un péché dont il faut se
débarrasser.
C’est la naissance du sujet post-moderne : schizophrénoïde, ludique,
libidinal, et marginal. Et la base économique de tout ceci doit bien
entendu être les nouvelles couches moyennes diplômées, urbaines et
tertiarisées, qui seront la base sociale du nouveau régime
post-soixante-huitard. Enfin, en troisième lieu, il y a la mutation
idéologique, la « destruction de la raison » théorisée par G. Lukács
dans l’après-guerre :
pour se maintenir au pouvoir, la bourgeoisie doit, depuis le début du
XIXe siècle, de plus en plus renoncer à la raison, et se faire
irrationaliste militante. Lukács avait analysé en son temps la montée du
nazisme, et la complaisance de la bourgeoisie impérialiste à son égard,
comme étant une manifestation particulièrement violente de cette
destruction de la raison ; mais il est évident que celle-ci a depuis été
reprise avec fanatisme par la nouvelle bourgeoisie impérialiste
mondialisée, groupée derrière le seul impérialisme atlantiste, et dont
le libéralisme-libertaire est l’expression achevée depuis les années 70.
Ce triple cadre est capital pour
comprendre le décor de la crise actuelle, et montrer sa profondeur
historique. Macron a été l’entéléchie, le produit le plus achevé, de
l’intersection de cette triple mutation : il est la manifestation la
plus visible qu’ait trouvé la bourgeoisie française pour exprimer la
puissance éhontée du carcan européen, du libéralisme-libertaire, et de
la destruction de la raison – afin d’écraser toute résistance du
prolétariat français, et de marquer la soumission sans limite de la
France à l’impérialisme atlantiste. A partir de ces trois éléments,
l’évolution de la vie politique française depuis 50 ans devient plus
claire, et explique à la fois la constitution d’un bloc euro-atlantiste
parfaitement agressif, la destruction de la gauche ancienne manière pour
un produit de synthèse indigeste (la gauche sociétale et européiste),
et la reconstruction d’une extrême-droite ancienne manière sur des bases
totalement inédites. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Bien sûr, ces trois éléments sont
assez anciens, et ont, pour les plus récents, plus de 50 ans. Il faut
donc remonter dans les couches temporelles les plus récentes pour en
trouver les causes les plus immédiates, et mieux déterminer la nature de
la crise.
Il y a bien entendu la crise
économique de 2008, qui a brisé en Europe et en France toute croissance
du PIB. A partir de là, la bourgeoisie française ne pouvait plus se
contenter de voir sa richesse grossir tout en laissant le niveau de vie
du petit peuple intact : pour maintenir ses profits, elle a du faire
baisser le niveau de vie général, et commencer à attaquer le statut des
couches moyennes. Ce furent les années Sarkozy, et Hollande, qui
allèrent parfaitement dans le même sens sur ce point. Le macronisme
signait déjà une radicalisation de ce projet, et son accélération, face à
une crise qui dure, et un peuple français qui se rebiffe, vote moins,
et délaisse les deux grandes forces traditionnelles qui faisaient
l’alternance politique depuis les débuts de la Ve République, à savoir
le PS et l’UMP, boudés par leurs électeurs après trop de reniements (il y
en avait pourtant déjà eut beaucoup !). Le macronisme révélait donc en
réalité une posture déjà défensive de la bourgeoisie, qui ne pouvait
plus se payer le luxe de l’alternance, devenue à la fois inutile et trop
risquée, et devait fusionner dans un seul grand bloc politique – même
s’il est vrai que cette posture défensive a pris le masque d’une
assurance arrogante de sa propre puissance. Mais à terme, le risque
était gros : plus de pièce de rechange intégrée au cadre européiste
facilement et immédiatement utilisable, au cas où le parti au pouvoir
s’userait, comme c’était le cas jusqu’alors.
Et des usures et des mécontentements,
il y en a eu. D’abord la crise des Gilets Jaunes, qui a vu l’irruption
d’un peuple spolié et à bout sur une scène médiatique qui l’avait
refoulé trop longtemps. L’UE et la domination bourgeoise étaient
radicalement mises en cause, dans un mouvement populaire spontané qui
démontrait par l’exemple ce qui arrivait quand on prive le prolétariat
de tout outil institutionnel classique, parti ou syndicat : la violence
de classe à l’état pur, dirigée contre les symboles du pouvoir.
Anarchique et confus, le mouvement fut vaincu, mais par la force brute
uniquement, il faut bien dire. Les justifications idéologiques de la
classe au pouvoir n’avaient plus aucune importance, il s’agissait de
briser. Première épreuve réussie pour le macronisme. Mais on avait eu
peur, et on s’en souviendrait, et surtout, on avait fait la
démonstration éclatante qu’il n’y avait aucune place pour la discussion
et les compromis, et que seule la violence de classe était désormais de
mise.
Puis il y a eu la crise du Covid. On a beaucoup glosé dessus, et votre serviteur avait analysé la chose en son temps,
mais il faut ici simplement noter qu’elle a montré la faillite
organisationnelle de l’État bourgeois contemporain. Tout y a été
anarchie, gabegie, et absence d’organisation, et les États occidentaux
ont été humiliés sur ce point par les BRICS et autres États du Sud
global, notamment la Chine. Certains auraient dû s’en souvenir au moment
de penser qu’une guerre contre eux serait facile et courte… Outre son
incapacité à gérer quoi que ce soit sur le plan sanitaire, le macronisme
n’a trouvé sur le plan économique que le « quoi qu’il en coûte » pour
éviter l’explosion sociale durant la crise sanitaire : des montagnes
d’argent, un « pognon de dingue » comme l’eut dit le maboul en chef,
déversées au hasard sur un peu tout le monde pour que rien ne bouge. La
solution était de créer de la dette, sans aucune idée de savoir comment
rembourser cela après. Les classes exploitées payeraient, c’était sûr,
mais comment, et surtout comment pour éviter l’explosion sociale, la
question a été balayée. L’intendance suivra. Ce furent les belles années
où le macronisme vota des budgets avec entre 160 et 180 milliards de
déficit par an ! La question de cette dette sera par ailleurs centrale
dans la décision de dissoudre l’Assemblée nationale.
A partir de cette crise, tout a été de
mal en pis. L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a
pris tout l’OTAN par surprise, et, malgré quelques déboires, lui a
infligé de sévères coups de butoir – les premiers à vrai dire depuis la
fin de la Guerre Froide, échecs en Syrie mis à part. Le macronisme dans
cette affaire n’a pu que barboter péniblement, à la traîne de l’UE,
elle-même à la traîne des USA. Les sanctions absurdes contre la Russie
ont achevées une économie qui se relevait à peine du Covid, lui
interdisant tout espoir de reprise à court et moyen terme.
Idem sur le dossier palestinien : l’opération militaire du 7 octobre a
infligé un coup dont Israël ne se relèvera pas, quelque soit le soutien
occidental, et la barbarie dont l’État sioniste peut faire preuve. Là
encore, le macronisme a été piteux, soutenant sans condition Israël,
tout en se montrant gêné par les massacres en rafale commis par Tsahal.
Inefficient à l’extérieur, le macronisme aura réussi à ne faire
qu’exacerber les tensions internes à la France sur ce conflit. Sur le
plan économique, les occidentaux auront été impuissants à faire barrage à
l’action de l’Axe de la Résistance, notamment des Houthis, pour
garantir la libre circulation des marchandises sur les mers. La
domination bourgeoise mondiale en a pris un coup, et la française n’a pu
que courber le dos un peu plus.
Enfin, comme un reflet national des
contradictions internationales, les élections législatives de 2022 n’ont
pas donné de majorité claire à quiconque. Le bloc macroniste avait
certes une majorité relative, mais ils ne sont pas parvenus à se fondre
dans les LR pour gouverner ensemble : la bourgeoisie libérale-libertaire
pleine et endurcie n’est pas arrivée à totalement absorber les autres
types de bourgeoisies, et ce petit reste a été pour son organisme comme
le morceau inassimilable qui l’a tué à petit feu. La bourgeoisie de
province avait trop besoin pour garder quelques postes de notables du
soutien de la petite-bourgeoisie traditionnelle, seule à même de lui
fournir des électeurs pour survivre ; or cette dernière hait le
macronisme au point de rendre impossible toute alliance pour les cadres
de LR – question d’éthos de classe trop rétif au puritanisme macroniste.
La crise a également commencé à se
manifester sur le terrain idéologique. Ces derniers mois ont émergé deux
concepts intéressants pour tenter d’expliquer les bouleversements en
cours, deux tentatives de reconstitution systématiques et globales,
venus de milieux et d’orientations politiques différentes. Il nous faut
les mentionner, car elles traduisent un besoin de théorie récent pour la
conscience de l’époque, et deux jalons qui donnent de la profondeur à
la crise que nous vivons. Ils ne révolutionneront probablement pas
l’armature conceptuelle des lecteurs de Lukács et de Clouscard, mais ils
confirmeront leurs intuitions, à partir de bases théoriques et
empiriques totalement différentes.
La première tentative fut le livre, au succès discret mais réel, d’E. Todd, la Défaite de l’Occident,
paru en janvier 2024. Un livre audacieux, y compris selon les critères
toddiens, puisque E. Todd tentait d’y expliquer l’incapacité de
l’occident à battre économiquement la Russie dans le cadre du conflit
ukrainien, malgré un PIB bien supérieur, et de très loin (33 fois
supérieur !), et l’influence des systèmes familiaux étaient marginaux
dans l’analyse. E. Todd y pointait la désindustrialisation, et le
démantèlement de l’État-nation, qui rendaient incapable d’affronter la
moindre crise, et de gagner une guerre, fut-ce sur le plan strictement
économique. Le « nihilisme », la fièvre du vide, s’était emparé de nos
élites, et de ce que j’appellerais la « diplômocratie », de cette masse
de gens qui pensent qu’ils valent mieux que les autres et sont
naturellement supérieurs à eux par le simple fait qu’ils possèdent un
diplôme, sans se demander une seconde ce qu’il y a derrière. Ces pays
qui furent des nations sont donc mus désormais par une simple force
d’inertie étrange : la rationalité y est désormais inconnue, les
diplômés se dirigent vers des carrières lucratives mais improductives,
les idéologies et les valeurs collectives sont mortes et enterrées, et
plus aucune valeur transcendante n’encadre la vie de l’individu. C’est
le concept central du livre : « l’état zéro anthropologique », où les
hommes ne sont mêmes plus guidés par des valeurs inconscientes venus des
modes de production pré-capitaliste, et où l’influence des anciens
systèmes familiaux devient presque nulle. Pour E. Todd, le macronisme
est l’incarnation française de cet « état zéro » de l’anthropologie. Ce
nihilisme est sadique, belliqueux, et destructeur ; il n’est plus mu par
la rationalité, ou la recherche de l’intérêt bien compris, mais par un
goût du chaos. Il n’y a plus d’État-nation : il y a un « Blob » – un
organisme unicellulaire visqueux et dénué de cerveau, qui ne survit
qu’en se nourrissant des organismes alentour. C’est le stade suprême de
la bourgeoisie impérialiste : la rapine et le pillage à l’état pur, sans
soucis de la production. Le dette devient omnipotente, et la balance
commerciale un trou béant, afin de vider la nation de toute
souveraineté, et de donner à de richissimes possédants les clés du
pouvoir réel. Inutile de dire ici que ce « nihilisme » et cet « état
zéro anthropologique » ne sont que l’aboutissement parfaitement logique
du libéralisme-libertaire né dans les années 70.
La deuxième tentative fut une note de
synthèse, publiée en mai 2024 par Jérome Fourquet, qui développe le
concept de « modèle stato-consummériste »
pour décrire la France depuis les années 70 (on revient toujours au
libéralisme-libertaire !). Il y diagnostique la crise, et la fin
prochaine de ce modèle, dont le macronisme est l’aboutissement. Ce
modèle est centré sur la consommation, qui, puisque la production
devient secondaire, se fait surtout par des importations (donc un
déficit commercial), et par du crédit public (donc du déficit public,
qui s’accumule sans fin pour former une gigantesque dette publique).
Cette dette publique, loin de servir à financer une éventuelle
production nationale, est utilisée pour pouvoir soutenir
artificiellement la consommation, et ce, malgré les crises successives
traversées par le capitalisme mondial. Bien entendu, celui-ci a été
défendu et développé par tous les partis au pouvoir depuis 50 ans, sans
exception. Le doigt est mis sur la contradiction majeure de la
construction européenne : mettre les producteurs internationaux en
compétition féroce d’une part, et d’autre part infliger aux producteurs
communautaires des normes sévères et strictes. La conjonction de ces
deux exigences contradictoires n’ont pu qu’aboutir au désossage de notre
appareil productif national – c’est le fameux processus de
désindustrialisation. Ajoutons à cela que le déficit commercial, pour
maintenir un certain niveau d’importation de consommation, oblige à
s’ouvrir aux investissements extérieurs – autrement dit, de faire du
pays la cible des exportations de capitaux étrangers. C’est exactement
la définition que Lénine donne de l’impérialisme, dont la France est
désormais la victime, pour l’instant à bas bruit. On voit donc que ce
modèle est parvenu à créer une sorte de bulle protectrice totalement
artificielle, et très fragile, autour de la France, afin que le
déclassement national réel ne soit pas vécu trop durement par la
population (surtout les couches moyennes improductives, il faut bien le
dire). Le réveil face aux vrais rapports de force internationaux risque
d’être douloureux.
Par ces deux analyses non
explicitement marxistes, on voit néanmoins un certain nombre de facteurs
objectifs immédiats à l’intensification de la crise, qui montre que la
classe des intellectuels, pour l’instant seulement à la marge, commence à
ressentir le besoin d’une explication systématique et synoptique à la
crise que nous traversons.
Voilà donc, synthétisée à l’extrême,
la genèse de la situation politique actuelle en France. On voit que les
contradictions sont à la fois lourdes, profondes, et courent sur le long
terme. Elles ne sont donc pas résorbables en un court laps de temps, et
leur convergence en un seul point, la crise politique actuelle, risque
de provoquer des dégâts aux conséquences incalculables.
2) Pourquoi dissoudre ?
Passons aux causes les plus
immédiates, puisqu’elles ont également leur importance dans cette
séquence : pourquoi dissoudre l’Assemblée nationale au soir d’une
élection européenne qui place le RN très largement en tête devant la
liste macroniste ?
Le premier élément de réponse tient
aux résultats de la précédente législature, en juin 2022, qui n’avait
pas donné de majorité absolue à E. Macron. A l’époque, dès les
résultats, tous les analystes s’étaient mis d’accord sur le fait que la
question n’était pas de savoir si E. Macron devait dissoudre l’Assemblée
avant la fin de son mandat, mais quand. En effet, ses grandes réformes
structurelles pour saigner un peu plus le pays, et enrichir encore plus
sa classe sociale nécessitaient une large majorité, surtout pour aller
vite. Les choses ont fini par traîner en longueur, et si finalement la
dissolution a surpris tout le monde, c’est parce qu’elle est arrivée
bien plus tard que ce que tout le monde croyait. Les alliances
parlementaires de circonstances avec LR, les 49.3 à répétition et les
motions de censure que personne ne voulait voter auront permis à cette
assemblée de tenir deux ans. Mais hélas, tout allait trop lentement, et
pas assez fort pour notre Héliogabale et ses mandataires de Bruxelles.
Il gouvernait, mais difficilement, et la rumeur d’une dissolution
courait depuis plusieurs mois.
Voilà pour le décor de la décision : elle devait être prise, la seule
question, c’est pourquoi maintenant et pas à un autre moment.
Plusieurs réponses, complémentaires plus qu’exclusives, plaidaient pour une décision de dissolution juste après les européennes.
Tout d’abord, il faut noter qu’E.
Macron a tenté de repousser au maximum cette dissolution, en tentant de
faire passer durant 2 ans ses réformes comme si de rien n’était. La
question n’est donc pas de savoir pourquoi elle n’est pas arrivée avant,
mais pourquoi elle n’arrive pas plus tard.
Le première élément, c’est l’impact
des résultats des européennes sur la vie parlementaire française.
L’Assemblée, déjà difficilement gouvernable, menaçait de devenir plus
agressive, avec la sur-performance du RN, et le bon score de LFI.
Le bloc macroniste, déjà piteux, menaçait de se déliter lentement dans
une longue guerre d’usure après les résultats exécrables de V. Hayer.
Le deuxième élément est l’impact de
ces mêmes résultats à l’international. Aux yeux des partenaires
européens d’E. Macron, ils sont une humiliation claire et nette de
celui-ci, et un affaiblissement de fait de sa parole. Or, on sait que le
personnage a un besoin pathologique de se faire remarquer par des
initiatives aussi dangereuses que stupides, sur une scène internationale
qui ne le prend absolument pas au sérieux, et le méprise complètement, y
compris parmi ses « alliés ». La blessure narcissique était donc
béante : empêché à l’intérieur, entravé à l’international, les trois
prochaines années s’annonçaient comme un calvaire pour notre chérubin
impulsif, incapable de se plier à la moindre discipline pour réfréner
ses pulsions de management toxique. De ce point de vue là, il a donc
préféré couper court au supplice de Tantale qui s’annonçait, pour se
jeter dans les Charybde et Scylla de la dissolution. Trader un jour,
trader toujours.
La troisième raison est en revanche
beaucoup plus profonde, et porte sur la possibilité même de gouverner
l’État français. On sait que la dette française atteint des niveaux
dangereusement inquiétants, et plusieurs analystes
ont observé ces derniers mois que les obligations françaises étaient
exposées à un risque élevé de dévaluation massive et rapide. Une France
paralysée politiquement, avec une économie en berne et une dette
colossale pourrait perdre toute confiance d’éventuels prêteurs dans un
futur très proche. En clair, le risque augmente que la France ne puisse
plus emprunter sur les marchés financiers les mois prochains, ou à des
taux d’usuriers, et se retrouve donc en cessation de payement pur et
simple. Or, tout le modèle économico-politique de ces 50 dernières
années, tous partis confondus, est basé sur une capacité de l’État à
emprunter massivement pour soutenir la consommation. Si ce levier-là
tombe, c’est tout le système, tant politique qu’économique actuel qui
s’effondre purement et simplement. Pour conjurer cette éventualité
catastrophe, il faudrait pouvoir réduire les dépenses publiques, mais
également avoir la force politique d’affronter la tempête sociale sans
précédent que cela ne manquerait pas d’entraîner. Or, le macronisme
risquait de se retrouver d’ici quelques mois dans une impasse : soit la
faillite de l’État par une incapacité à emprunter sur les marchés
financiers, soit la nécessité politique d’imposer des mesures
d’austérité extrêmement impopulaires, en ayant aucun moyen politique de
le faire. On voit donc que l’équation est impossible. Cette situation
aurait pu arriver dès septembre 2024, lors du vote du budget, qui
s’annonçait presque perdu d’avance, avec les trois autres groupes
parlementaires qui auraient pu alors voter une motion de censure (la
bonne, cette fois !). Pour éviter cela, E. Macron a donc pris les
devants, et fait le choix de dissoudre avant d’arriver à cette situation
catastrophe, qu’il a lui-même créée et amplifiée, afin de ne pas en
porter le chapeau. Il est très clair que le but de cette dissolution est
de perdre les élections, pour confier les responsabilités au RN dans
une situation économique désastreuse, pour ne pas apparaître comme en
étant responsable, et (qui sait ?) revenir plus tard. Pour arriver à
cela, tenir des élections trois semaines à peine après un scrutin
remporté haut-la-main par le RN était la meilleure façon d’y parvenir.
Après avoir mis le feu à la maison, le locataire donne les clés à celui
qui doit suivre, lorsqu’il n’y a plus rien à diriger.
Enfin, quatrième raison, la moins
forte, les petits calculs politiciens. E. Macron et son entourage ont
peut-être pensé que la division de la gauche lors des européennes
entraînerait de fait une division lors de législatives qui suivraient,
ce qui aurait pu permettre à son parti de gagner quelques
circonscriptions. Et éventuellement, de rallier des éléments du PS et de
LR proches de la macronie. C’est possible, mais ce n’aurait pas été
assez pour remporter la majorité absolue. D’autant que sur ce point, ce
calcul a été démenti assez vite, comme nous l’analyserons.
3) L’échec du macronisme
Puisque la vie politique française
s’est désormais scindée en trois blocs distincts, on peut les analyser
un par un, et même dessiner à coup sûr la logique du devenir de chacun
de ces blocs. Les forces sociales en présence sont claires, et ont
atteint un niveau de stabilisation quantitative provisoire telle que
seule l’ampleur des résultats pourra varier, mais pas les ordres de
grandeur approximatifs.
Commençons par le point le plus net :
l’auto-dissolution immédiate du macronisme par cette décision. Son
ampleur, et donc les restes qu’il laissera, seront encore à déterminer,
mais l’essentiel est là : le grand bloc central bourgeois tel qu’il est
né en 2017 est mort le 9 juin 2024. Pour une raison simple : son seul
argument, répété de façon pavlovienne, « moi ou le chaos », a été
dynamité. Le macronisme a mené la France au chaos, et il a paupérisé sa
base sociale, qui était les couches moyennes urbaines. Il a passé 7 ans à
détruire sa propre base sociale, et le 9 juin, il a atteint le point où
son œuvre l’a tué. Comme expliqué précédemment, avec le mécanisme de la
dette, la gestion macroniste de la France nous a amené au chaos qu’il
prétendait éviter, et la chose est désormais parfaitement visible.
« L’orthodoxie budgétaire » a été une gabegie sans précédent, et sa
réalisation a été le contraire de sa prétention ; la seule sanction
logique à cet état de fait, c’est la mort politique, par désertion des
électeurs.
Ce qui amène au deuxième point :
l’argument massue du « camp de la raison » a toujours été le fait qu’il
incarnait « la majorité silencieuse », autrement dit, qu’il avait avec
lui la force du nombre. Sauf que le nombre commence à lui manquer, et
une fois le processus enclenché, il devient non seulement irréversible,
mais s’accélère rapidement : ceux qui étaient là uniquement parce qu’il y
avait du monde s’en vont, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il ne reste
plus personne. La spirale baissière du macronisme semble donc
enclenchée, et on voit mal ce qui pourrait l’arrêter.
Troisièmement, après sept ans de
macronisme, l’arithmétique démographique poursuit son œuvre lente, mais
implacable. Il y a chaque année près de 630 000 décès par an,
essentiellement des personnes âgées. Or, celles-ci votent à près de 40 %
pour E. Macron, avec un taux de participation de près de 80 % aux
présidentielles.
En appliquant la part de 90 % dans les plus de 65 ans parmi les décès,
on aboutit donc en 7 ans, a une disparition biologique de près de 1,27
million d’électeurs macronistes.
D’autant que les pertes ne sont pas
compensées entièrement par les arrivées. Il y a chaque année près de 800
000 jeunes qui deviennent majeurs, et à peu près autant qui rentrent
sur le marché du travail, autour de 25 ans. Or, pour ne prendre que la
tranche des 25-35 ans, s’ils sont près de 60 % à voter, ils sont 30 % à
voter pour Marine Le Pen, 27 % à le faire pour Jean-Luc Mélenchon, et
seulement 19 % à le faire pour E. Macron. Soit donc 144 000 nouveaux
électeurs par an pour le RN (un million en 7 ans), 129 600 pour JLM (900
000 en 7 ans), et seulement 91 200 pour Macron (638 000 en 7 ans). On
voit bien que même lente, l’évolution démographique a condamné le
macronisme à un long déclin, et est parvenue à un point de rupture.
Enfin, et c’est l’élément décisif, le mode de scrutin législatif de la Ve
République va achever le macronisme. Celui-ci, le scrutin uninominal
majoritaire à deux tours, a en effet été conçu pour éliminer les
« petits » partis marginaux, et à l’inverse, favoriser les « grands »
partis traditionnels, type UMP et PS durant des années. Sa logique
permettait d’amplifier de façon démesurée la moindre avance sur ses
concurrents. Pour donner un exemple caricatural, en 2017, si LREM avait
récolté 32 % des suffrages, ils avaient cependant obtenu 60 % des
sièges.
On voit donc comment la baisse, certes
relative pour l’instant, des résultats du parti macroniste laissent
présager une catastrophe sans nom : la logique qui avait servi à écarter
les « petits » partis « extrémistes » au profit des « grands » partis
« modérés » risque de se retourner contre eux ! Pour donner un ordre
d’idée de la possibilité du désastre, d’après une étude du Figaro,
Renaissance pourrait ne même pas être au second tour des législatives
dans… 536 circonscriptions sur 577, si le vote des européennes se
prolongent à l’identique !
Il est bien sûr plus que probable que le parti macroniste haussera son
score par rapport aux européennes, ce qui fera un désastre un peu moins
total, mais le fait sera toujours là : le macronisme peut plus ou moins
disparaître législativement dès cette élection. Les premiers sondages
semblent confirmer cette direction : en fonction de l’institut, le RN
aurait entre 31 et 35 % des voix, l’union de la gauche aurait entre 25
et 28 %, et le parti macroniste entre 17 et 19 %. Cela peut évoluer bien
sûr, mais la courte campagne interdit tout vrai bouleversement des
rapports de force. Le mode de scrutin va bien sûr amplifier à l’extrême
cet écart, et écarter de façon démesuré Renaissance.
D’autant qu’il ne s’est jamais s’agit
d’un parti local, avec beaucoup de militants, de cadres, et d’élus
locaux. Le reflux à l’Assemblée nationale sera irréversible, et si le
macronisme peut vivoter encore quelque temps, il ne jouera plus de rôle
majeur, avant de mourir de sa belle mort. Les cadres macronistes l’ont compris, et voguent déjà vers d’autres horizons.
4) L’illusion de « l’union de la gauche »
Le deuxième grand bloc, qui, après
deux ans d’invectives permanentes, s’est subitement reconstitué en un
temps record, c’est bien sûr l’énième édition de la sempiternelle série
de « l’union de la gauche », pour une NUPES 2.0, renommée pour
l’occasion « Nouveau Front Populaire ».
Il y aurait beaucoup à dire sur
l’escroquerie de ce nouveau nom, qui pousse la falsification historique
encore plus loin. Nous avions analysé en 2020 le mouvement historique du
Front populaire du 1936, et nous y renvoyons pour constater l’écart
avec cette réédition 2024 indigeste, que l’on ne pourra qu’écrire avec
des guillemets.
Nous y avions également critiqué sévèrement toutes les précédentes
tentatives « d’union de la gauche », comme étant des accords
parfaitement électoralistes, et qui revenaient à s’aligner sur le
programme le plus social-traître qui soit, et nous reprenons
l’intégralité de ces critiques.
Il faut cependant analyser la
spécificité de cette union illusoire, et montrer pourquoi elle ne pourra
rien donner, pourquoi elle est impuissante à gagner quoique ce soit, et
pourquoi même si elle gagnait, elle serait incapable d’appliquer son
propre programme, fort mauvais au demeurant.
Pour cela, il faut analyser le passage
de la « NUPES » de 2022 au « Nouveau Front Populaire » de 2024. La
« NUPES » de 2022 était un coup de bluff électoraliste de Jean-Luc
Mélenchon, après sa belle performance à la présidentielle, qui en avait
surpris plus d’un. Gonflé par le vote utile, la nullité des candidats du
PS, du PCF et de EELV, il avait réussi à concentrer sur sa personne
l’intégralité du vote de gauche, qui aujourd’hui regroupe surtout des
couches moyennes urbaines diplômées et tertiarisées, les banlieues
immigrées (pour la faible proportion qui vote), et quelque maigres
restes du mouvement ouvrier du XXe siècle, dernière roue du carrosse de
cette alliage fourre-tout. Grâce à ce joli coup de force, Mélenchon
était ensuite parvenu à imposer à ses concurrents à gauche un accord
dont il était en mesure de dicter les termes, sur le programme
notamment, et le nombre de circonscriptions. Le regroupement massif
autour de sa candidature était d’ailleurs intéressant, car il signifiait
que son électorat, désormais complètement concentré dans les grandes
métropoles, était suffisamment déclassé, et essoré politiquement par le
macronisme, qu’il était prêt à faire taire son narcissisme des petites
différences entre sociaux-démocrates, afin de se grouper autour d’un
bloc. La candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2022 a été le chant du
cygne des nouvelles couches moyennes libéral-libertaires « de gauche »,
et le signe de son crépuscule proche. On l’a vu avec le macronisme :
c’est quand un groupe social se rassemble sous une seule et même
bannière qu’il est le plus proche de mourir, car alors les
contradictions qui le faisaient vivre se sont éteintes. D’autant que ce
rassemblement s’est fait dans l’intensification du délire idéologique
que portent ces couches moyennes, et qui signe son isolement idéologique
et social : écologisme, féminisme, antiracisme identitaire,
sociétalisme à outrance… La candidature de Mélenchon en 2022 aura réussi
le tour de force de faire pire en la matière que celle de 2017, déjà
bien pourvue pourtant. Le tout bien sûr avec moins d’opposition encore à
l’UE, si c’était possible, et un programme aussi social-démocrate
qu’inapplicable avec la méthode proposée.
La NUPES avait continué sur cette
lancée, en ressuscitant au passage des partis laminés qui auraient pu
disparaître, le PS et le PCF. En leur garantissant leurs députés,
Mélenchon leur a sauvé la mise, en étant bien mal payé en retour, tout
ça pour revenir une dernière fois dans le coup médiatiquement, et
grappiller quelques députés pour LFI. Bref, ce fut une alliance purement
opportuniste et électoraliste qui s’est faite sur des bases totalement
confuses, et qui a relancé le pire de ce qui existait à gauche en
matière de social-traîtrise, leur offrant un bain de jouvence dont le
PS, et le PCF dans une moindre mesure, avaient cruellement besoin.
Bien entendu, une fois sauvés du néant
électoral qu’ils méritaient pourtant, les « alliés » de LFI ont
entrepris de se sauver de ses griffes, de façon parfaitement malhonnête
il faut le dire – mais qu’attendre de plus des coquins qui peuplent le
PS, le PCF et EELV ? Ils sont tellement réactionnaires qu’ils sont
parvenus à critiquer Mélenchon par la droite, pour sa position sur l’UE,
sur l’Ukraine, sur Gaza – position ô combien timide pourtant, mais que
ses « amis » de gauche se sont plu à durcir de façon absurde, jusqu’à le
faire passer pour un frexiteur, un bolchévique, un pro-Kremlin (si
seulement !), ou un pro-Iran. Dernier délire en date : LFI serait
« antisémite », pour sa position sur le conflit israélo-palestinien,
position pourtant identique à celle de l’ONU sur tous les points. Mais
bon : au royaume des clones où tout le monde a le même programme et les
mêmes idées, il faut bien hystériser le débat afin de faire passer la
moindre nuance dans l’européisme atlantiste pour une hérésie
intolérable.
Parti dans ces conditions, le
« Nouveau Front Populaire » allait donc parvenir à faire pire
politiquement que la NUPES, ce qui est là encore une performance à
saluer. D’autant qu’après les résultats du 9 juin, c’était ce qu’il faut
bien appeler « l’agent de la CIA », à savoir Raphaël Glucksman, qui
allait dicter ses conditions pour une union. Ce bandit venu de la droite libérale et sarkozyste, agent des intérêts de l’OTAN en Géorgie sous Saakachvili,
et stipendié de son beau père Ghassan Salamé (agent dans le monde arabe
des intérêts atlantistes, artisan de la destruction constitutionnelle
de l’Irak post-husseinienne, relai de l’Open Society de Soros dans le monde arabe)
s’est trouvé en mesure d’imposer à toute la gauche ses conditions
léoniennes, et une capitulation sans condition devant l’UE et la
politique internationale atlantiste.
C’est donc une union parfaitement
décrédibilisée d’avance que nous vend la gauche, car il est évident aux
yeux des masses que cette alliance a uniquement pour but de les aider à
conserver leurs misérables sièges, et que la farce de « la peur du
fascisme à nos portes » n’est pas leur principale préoccupation. Et ce
ne sont pas les pleurs d’un Corbière ou d’un Rufin devant « le danger
fasciste » le soir des élections qui changeront les choses. Le programme
se contente de mesures parfaitement social-démocrates, défensives,
souvent confuses, notamment sur le sociétal, et est parfaitement
réactionnaire sur le plan international.
Celui-ci soutient donc « indéfectiblement l’Ukraine », et l’envoi
d’armes à celle-ci, s’alignant ainsi sur la politique macroniste, et au
mépris de tout risque pour la France d’escalade militaire avec la
Russie. Sur Gaza, il reprend le narratif mensonger d’Israël sur le 7
octobre, et s’enferme dans le ghetto mental d’occidental narcissique. Et
sur l’UE, le programme lui déclare sa soumission, et son soutien à la
construction européenne.
Autant dire que dans ces conditions,
le programme est inapplicable dans ses mesures sociales. Au mieux, nous
aurons une réédition des mésaventures d’A. Tsipras en Grèce, qui se fit
briser les reins par la commission européenne en 2015. Vu le montant de
notre dette, le programme du « Nouveau Front Populaire » ne pourra se
financer avec elle, et sans sortir de l’UE, aucune alternative
d’application n’est même envisageable. Encore une fois, une gauche sans
courage s’est pliée aux exigences d’une gauche crapuleuse, pour le plus
grand bonheur des crédules qui y croient, bien naïvement encore. L’union
de la gauche, c’est bien l’opium du peuple de gauche. Et il serait
temps d’arrêter d’être addict à cette drogue malsaine.
Le fond du problème, c’est qu’une
nouvelle gauche est apparue dans les années 70, et a complètement
bouleversé la base sociale et l’idéologie de l’ancienne gauche. Les
nouvelles couches moyennes diplômées et urbaines ont remplacé le
prolétariat comme classe sociale de base, et le libéralisme-libertaire,
cet anti-autoritarisme individualiste et relativiste, a remplacé le
marxisme. Nous vivons l’aboutissement de ce processus. On ne peut donc
que souhaiter la mort de cette gauche, dans les circonstances les plus
atroces et indignes possibles, afin qu’autre chose vienne la remplacer.
Cette gauche ne vit que de confusions : confusions entre le social et le
sociétal (l’économie, la géopolitique et le national mis au même
niveau, et souvent au dessous, de l’écologie, du féminisme, de
l’antiracisme, et de bien d’autres), confusions entre européisme et
souverainisme (des critiques de l’UE qui s’allient sans voir le problème
avec ses thuriféraires), confusion entre internationalisme et
atlantisme (des critiques de l’Ukraine et d’Israël avec ses défenseurs
acharnés). Faut-il être grand clerc pour voir que cela ne pourra mener à
rien ?
5) La question du « fascisme » :
Enfin, et non des moindres, le dernier
point aveugle de toute cette gauche, unie pour un « Nouveau Front
Populaire » : son aveuglement complet sur la véritable nature du
fascisme, et son réflexe pavlovien « d’antifascisme » ânonné de façon
hystérique sans aucune réflexion élémentaire. Entendons-nous bien : la
fascisme est l’ennemi mortel de la classe ouvrière. Seulement, pour bien
le combattre, et être un anti-fasciste conséquent et efficace, il faut
d’abord avoir bien identifié le fascisme dans notre séquence historique.
Sinon, on risque de complètement se tromper, en plaquant sur notre
époque des catégories qui n’y sont pas effectives. A ce titre, on ne
peut être que consterné d’entendre un célèbre historien du nazisme, aux
travaux universitaires au demeurant intéressants, déclarer que l’on peut
« plaquer 1936 sur 2024 », car « les structures sociales, et les
intérêts des acteurs sociaux n’ont pas beaucoup changé » (sic!).
Il faut être bien assis pour lire ou entendre cela : la lutte des
classes est la même en sa structure qu’en 1936 ! Visiblement, la
destruction de la raison n’a pas frappé qu’à droite ces dernières
décennies… Où sont les usines et les grands appareils productifs
industriels de 1936 en 2024 ? Où est le grand parti ouvrier qu’était le
PCF des années 30 ? Où est l’URSS ? Où sont les croix de feu, les
vétérans d’une Grande Guerre, les relais d’un NSDAP en France (très
nombreux à l’époque !) aujourd’hui ? Où est aujourd’hui la
petite-bourgeoisie traditionnelle, l’une des bases sociales du fascisme
français des années 30, et que les années post-plan Marshall a balayée ?
Où est aujourd’hui la concurrence des impérialismes de tailles
équivalentes ? Nul part, tout cela a disparu. A l’inverse, où est le
libéralisme-libertaire dans les années 30 ? Les nouvelles couches
moyennes urbaines, diplômées et improductives ? Un secteur tertiaire et
financier hypertrophié ? Un pôle unique atlantiste pour l’impérialisme
mondial ? La construction européenne et la destruction des souverainetés
nationales ? L’immigration a-t-elle le même niveau et la même fonction
en 2024 qu’en 1936 ? Le simple fait de poser la question montre
l’absurdité d’une comparaison qui serait un plaquage pur et simple des
situations. Pour comprendre le fascisme actuel, il faut faire une
analyse concrète de celui-ci. Sans analyse concrète, on court le risque
de tomber dans le verbiage vide et pavlovien. Certes, aujourd’hui comme
en 1936, il y a toujours une lutte des classes, un prolétariat et une
bourgeoise. Mais si on en reste là, ce sont des concepts abstraits, et
parfaitement vides. Pour leur donner du contenu, et faire une vraie
analyse marxiste, il faut faire ce que personne n’ose faire à gauche :
ouvrir la boite de Pandore de l’économie. Les marxistes devraient plus
souvent méditer cette sage maxime d’Engels : « Il y a action et réaction
de tous ces facteurs au sein desquels le mouvement économique finit par
se frayer son chemin comme une nécessité à travers la foule infinie de
hasards (c’est-à-dire de choses et d’événements dont la liaison intime
entre eux est si lointaine ou si difficile à démontrer que nous pouvons
la considérer comme inexistante et la négliger). Sinon, l’application de
la théorie à n’importe quelle période historique serait, ma foi, plus
facile que la résolution d’une simple équation du premier degré. »
Plus d’un marxiste et d’un universitaire semblent confondre l’analyse
par la lutte des classes avec une équation du premier degré.
Comprenons bien : tout l’enjeu est de
savoir si le fascisme actuel est bien incarné par le RN, car si c’est le
cas, alors toute les unions, mêmes les plus scandaleuses et les plus
contre-natures, seraient permises pour lutter contre l’affreux fascisme.
Or, tel est le drame actuel, et il faudra bien qu’un marxiste l’écrive
un jour : le RN n’est pas un parti fasciste, en tout cas pas au sens
classique du terme, et si on trouve indéniablement des traces en lui
d’éléments fascistes, il n’est pas le parti le plus fasciste de la vie
politique française, loin de là.
On sait que cette thèse, parfaitement
évidente de façon intuitive pour les masses à l’heure actuelle, serait
extrêmement choquante pour beaucoup à gauche, et mérite donc d’être
exposée méticuleusement. La démonstration est ici importante, parce que
sa validité et son acceptation vont conditionner l’avenir de la
« gauche » actuelle, surtout si, comme tout l’indique, le RN parvient au
pouvoir à court terme (dans quelles conditions exactes et quelles
alliances, c’est une autre affaire). Que les amis de la vérité qui
souhaitent comprendre pourquoi leur camp politique est dans un ghetto
social écoutent, et que les autres méditent la maxime du Machiavel de
Stendhal : « et serait-ce ma faute si la chose est ainsi ? ».
Tout d’abord, écartons le principal
élément qui gêne l’analyse : la question de la genèse historique du RN.
Certes, la genèse d’un parti en politique est extrêmement importante,
mais elle ne détermine pas tout. Il existe une différence pour un
marxiste entre la genèse historique d’une chose (l’ensemble des éléments
traçables sur une frise chronologique qui lui ont donné naissance) et
sa logique interne, son essence, ce qu’il est réellement (pour une
entité politique, les intérêts de classe qu’elle défend).
Or ce qui fait la caractérisation politique, ce n’est pas la genèse
historique, mais sa composition de classe, en interne, et son rapport
avec les autres classes sociales.
Il est indéniable que le Front
National ait été fondé par des anciens vichystes, des pétainistes, des
anciens de l’OAS, et qu’il ait gardé très longtemps sa caractérisation
fasciste de ses origines. Il est indéniable par exemple que les statuts
du FN aient été déposés en 1972 par Pierre Bousquet, ancien Waffen-SS de
la division Charlemagne, et alors trésorier du mouvement. Les
différentes sorties de Jean-Marie Le Pen, très connues au point qu’il
est inutile ici de les énumérer, témoignent de cette origine.
Seulement, et c’est ce que personne à
gauche ne veut remarquer, si l’on en déduit de cette origine fasciste le
fait que le RN actuel est fasciste, il faudrait alors appliquer cette
logique à tous les partis politiques français (pourquoi faire une
exception pour le RN ?). Et on aboutirait à un résultat absurde et
ubuesque : le PS, dont l’ancêtre est la SFIO, serait un parti jaurésien
(pauvre Jaurès !) ; les LR, lointain descendant du MRP serait un parti
gaulliste authentique (pauvre Général !) ; le PCF serait un parti
bolchévique et stalinien (si seulement…) ; et les différents débris du
parti radical seraient les héritiers de Clemenceau (sans les bons mots,
visiblement)… On pourrait continuer longtemps, et on voit qu’avec une
telle logique, on ne parvient qu’à des absurdités sans nom.
Tous ces partis ont changé d’essence idéologique, parce qu’ils ont
changé de base de classe : ils ont subi, comme on le disait à l’époque
du PCF, une « mutation », un changement d’ADN, parce qu’ils se sont
adaptés aux évolutions de classes sociales, souvent d’ailleurs dans le
sens de l’opportunisme, et d’un compromis avec les trois éléments que
nous avons énumérés en début d’article : soumission au carcan européen,
adhésion au libéralisme-libertaire, participation à la destruction de la
raison. Pour le PCF, le PS et les RPR/UMP/LR, c’est parfaitement clair.
On voit mal pourquoi le FN aurait été épargné par sa mutation en RN. On
peut même dire qu’au contraire, étant initialement le parti le plus
compatible en soi avec ces trois éléments, il a été poussé, comme par
une force centrifuge, au loin, comme par effet de répulsion par rapport
aux autres partis qui convergeaient tous vers eux. Tous les thèmes
classiques du fascisme traditionnel qui étaient ceux du FN historique
(nationalisme agressif, antisémitisme et racialisme, pétainisme assumé,
révisionnisme, défense de la peine de mort, ou encore l’expulsion des
français d’origine étrangère….) ont été progressivement relayés à
l’arrière-plan après le départ de Jean-Marie Le Pen, et largement
édulcorés, au point qu’on a souvent du mal aujourd’hui à les retrouver
dans le programme, voire même pas du tout. Il faut à ce sujet en finir
avec un fantasme à gauche, celle d’une essence diabolique cachée et
invisible d’un RN fasciste, qui n’attend que de parvenir au pouvoir pour
réapparaître telle quelle, et intacte. Tous ceux qui ont étudié le
processus de liquidation et de mutation du PCF savent qu’en la matière,
il faut être hégélien :
l’apparence exprime l’essence, elle en est une part, et on ne peut pas
faire de division métaphysique entre les deux. Lorsque le PCF a commencé
à changer son discours dans les années 70 pour devenir plus
social-démocrate, en abandonnant par exemple la dictature du prolétariat
de son programme, cela a changé son essence, et sa radicalité
révolutionnaire n’est pas revenue une fois qu’il a participé au pouvoir
en 1981. En politique, lorsque la radicalité se perd, elle ne revient
jamais. Car changer l’apparence de son discours demande d’acquérir des
habitudes mentales qui changent une façon même de penser le monde. Cela
demande des compromis, et de montrer au système mondain dominant que
l’on est prêt aux arrangements, et donc d’avoir déjà renoncé à
l’essentiel. Le changement de discours ne fait toujours que refléter un
changement de positionnement de classe. Il faut donc regarder la réalité
en face : le RN est aujourd’hui devenu un parti de droite semblable aux
autres, et qui n’est pas plus fasciste qu’eux – en témoigne la
tentation très forte d’une fade « union des droites » initiée avec LR.
Pour poursuivre sur la question des
origines, et faire une comparaison internationale, le RN a subi selon
nous une évolution assez semblable à celle du Kuomintang à Taïwan, et
pour les mêmes raisons. A l’origine, comme le FN, le Kuomintang est un
pur parti fasciste, né de l’opposition au Parti communiste chinois. Très
atlantiste, et viscéralement anti-communiste, il impose une dictature
militaire de fer à l’île de Taïwan. Seulement, l’évolution historique a
suivi son cours : le fascisme taïwanais a laissé la place à la
sociale-démocratie libéral-libertaire indépendantiste. Et, surprise,
aujourd’hui, ce sont les sociaux-démocrates à Taïwan qui sont les plus
anti-chinois, les plus anti-PCC, les plus portés à une guerre
parfaitement fasciste contre la Chine, soutenue par l’impérialisme
américain ; et à l’inverse, c’est le Kuomintang qui est devenu le parti
le plus pro-PCC de l’île, le moins belliciste, et donc le moins fasciste
objectivement. La raison de ceci en est simple : le fascisme historique
a préparé l’avènement du libéralisme-libertaire, et une fois que
celui-ci est parvenu à maturité, il s’est montré plus efficace et
effectif que celui-ci pour combattre le communisme, et écraser les
aspirations populaires. Le libéralisme-libertaire a été la réalisation
de ce dont le fascisme n’était que le concept : en d’autres termes, il a
été plus parfaitement fasciste que le fascisme lui-même, qui s’est
retrouvé doublé par sa droite, et totalement dépassé par l’évolution
historique. Il est donc devenu, par le jeu de cette dialectique,
l’inverse de ce qu’il était : d’avant-garde de lutte contre le progrès
humain, il est devenu l’arrière-garde de cette lutte. Il a donc dû muter
en autre chose, qui n’a plus rien de sa virulence originelle.
C’est l’évolution qui s’est produite en France même :
après la destruction conjointe du gaullisme et du communisme dans les
années 70, les anciens vichystes sont revenus au pouvoir, d’abord de
façon cachée dans l’entourage de Giscard, puis de façon ouverte en la personne de Mitterrand.
A partir de là, l’essentiel de la vie politique s’est en réalité
scindée chez leurs héritiers entre vichystes opportunistes (le PS, le
RPR), qui avaient eut le bon goût de passer à l’européisme atlantiste au
moment où le fascisme historique avait mal tourné, et les vichystes
sincères (le FN de Jean-Marie Le Pen), qui étaient les has been au cerveau un peu lent, les loosers
qui n’avaient pas compris que le vent avait tourné, et qu’il fallait
désormais jouer un autre air pour être « branché » et mondainement
acceptable. Mais ne nous y trompons pas : le fond était le même –
pourquoi réhabiliter Mitterrand pour honnir Jean-Marie Le Pen, si ce
n’est finalement par concession mondaine à l’idéologie dominante ?
Par ailleurs, pour clore ces questions
de filiation idéologiques, s’il faut remonter aux origines fascistes
des courants de pensées, il faut aller jusqu’au bout à gauche, et
refuser tous les penseurs de gauche qui se sont inspirés pour leurs
concepts et catégories fondamentales des deux plus grands penseurs
fascistes qui eut été : à savoir Nietzsche, et Heidegger. Mais là, on
voit ce qui blesse mondainement les intellectuels gauchistes, car alors
c’est tous leurs penseurs chéris, toute la pensée d’après-guerre (les
Sartre, les Camus), et la pensée soixante-huitarde qui tombe sous le
coup de l’anathème : les Foucault, les Deleuze, les Derrida, les Badiou –
tous ont bu à la source du nazi de la forêt de Todtnauberg, et de
l’eugéniste équestre fantasque de Turin. Vous voulez dénazifier
messieurs les jolis grands hommes de gauche ? Très bien, mais faites-le
jusqu’au bout, et d’abord dans vos rangs et chez vos maîtres ! Gageons
que vous ne relèverez pas le gant, et que vous préférerez concentrer vos
attaques hystériques sur un RN aux épaules bien trop fragiles pour vos
fantasmes.
Il faut également écarter une autre
erreur idéologique, mais très courante à gauche : l’idée saugrenue,
devenu axiome intangible, qu’être pour l’immigration, c’était être
progressiste, et qu’être contre, c’était être réactionnaire. On a donc
l’idée qu’être internationaliste, c’est vouloir accueillir tous les
immigrés du monde chez soi, tout le temps. Personne à gauche ne veut
pourtant faire une analyse économique élémentaire des rapports de force
entre les nations : dans une économie mondiale capitaliste,
l’immigration, d’un pays à un autre, sans échange équivalent
d’émigration, c’est du vol de main-d’œuvre pur et simple. Quand 100 000
africains arrivent chaque année en France,
c’est 100 000 personnes que l’économie française va pouvoir exploiter,
et dont personne en France n’aura payé l’éducation. C’est 100 000 paires
de bras en moins que les États africains auront éduquées et nourries en
vain, et qui ne construiront pas ces pays. Défendre le
sans-frontièrisme, c’est défendre le vol illimité et sans fard de
main-d’œuvre des pays pauvres par les pays riches. Si quelqu’un voit
quoi que ce soit de progressiste ou d’internationaliste dans ce
processus, il n’est qu’un agent idéologique de l’impérialisme. S’il
cherche à maquiller ce gigantesque vol de main-d’œuvre à l’échelle
mondiale, et ce déracinement humain violent qu’est presque toujours
l’immigration, en un « enrichissement culturel », il procède au
travestissement le plus honteux. Il y a certes de très mauvaises raisons
de s’opposer à l’immigration, et on peut tout à fait le faire en étant
raciste ou xénophobe. Mais dans son essence, l’immigration de masse,
c’est un vol impérialiste.
Considérer toute mesure limitant l’immigration comme étant du fascisme
est donc une falsification politique, et un sophisme qui a trop souvent
couvert les vilenies de la gauche européiste et atlantiste. Il faut donc
cesser de s’appuyer uniquement sur la question de l’immigration pour
accuser le RN d’être fasciste, et il faut arrêter d’avoir une vision
humanitariste niaise, et anti-politique du phénomène : les États
africains ne construiront leur souveraineté que lorsque leur jeunesse
aura arrêté d’immigrer en occident, poussée par des illusions
idéologiques. La seule question à poser, c’est comment les aider à
construire leur souveraineté, et cela ne se fera pas par plus
d’immigration.
Enfin, il faut toujours rappeler la
primauté de la question de classe dans la question de l’immigration : la
bourgeoisie immigrée n’a rien à voir avec le prolétariat immigré. Ils
ne viennent pas pour les mêmes raisons, et ne sont pas vecteurs des
mêmes idées dans les sociétés qu’ils intègrent. Quoi de commun entre le
pauvre qui fuit la misère et la guerre de son pays natal, même si c’est
en partie par illusion idéologique, et l’enfant gâté du soleil qui vient
« jouir sans entrave » de ce dont le prolétaire d’occident n’ose même
pas rêver ? Le premier est un damné de la terre, l’autre une canaille
sans frontière qui, comme le disait Rousseau, se sent partout chez lui
« tant qu’il a des hommes à acheter, et des femmes à corrompre ». Au nom
de quoi les marxistes et les internationalistes devraient les
défendre ? C’est ce qui entraîne d’ailleurs un rapport parfaitement
différencié à l’archaïsme entre le prolétariat immigré et la bourgeoisie
immigrée. Le dur labeur capitaliste tend toujours à dissoudre
l’arriération chez le prolétariat immigré, alors que la bourgeoisie
immigrée trouve dans l’arriération de sa position de classe la
confirmation de sa propre arriération anthropologique.
D’où sa parfaite bonne conscience, sa certitude d’être toujours dans
son bon droit, d’opérer un hold-up pour son seul compte sur la question
du racisme afin de monter mondainement, et d’où sa parfaite capacité
faire corps avec le libéralisme-libertaire dominant, et d’en être le fer
de lance. La bourgeoisie immigrée de notre temps est donc la couche
sociale la plus arriérée de l’impérialisme actuel, tout comme celle de
l’époque de l’impérialisme fasciste était la petite-bourgeoisie
traditionnelle. On comprendra donc sans peine ce fait frappant que,
comme le fascisme qui s’appuie sur les éléments les plus arriérés de la
société pour prospérer, la base d’appoint de choc du
libéralisme-libertaire, ce sont les éléments les plus arriérés de notre
société, à savoir : la bourgeoisie immigrée, toujours prompte à donner
un coup de main à la moindre initiative fasciste, pourvu qu’elle soit
ludique, libidinale, et marginale.
Une fois ces pré-requis posés, ouvrons
donc enfin la boite de Pandore de l’économie, qui fait si peur à tant
de marxistes, et étudions donc la sociologie électorale du RN, et sa
base de classe, et voyons s’il s’agit d’un parti à la sociologie
fasciste. Puisque le fascisme est l’idéologie de la bourgeoisie
impérialiste contre le prolétariat, si le RN était un parti fasciste, on
devrait y retrouver une surreprésentation du vote bourgeois, et des
classes sociales dépendantes idéologiquement de la bourgeoisie, et un
vote populaire moindre. Bien sûr, les prolétaires peuvent être
individuellement trompés, et le fascisme s’appuie classiquement toujours
sur les éléments arriérés du prolétariat. Cependant, si un individu, ou
même un groupe d’individus, peut se tromper sur ses intérêts de classe,
une classe sociale toute entière ne se trompe jamais sur ses intérêts
de classe propres. Le prolétariat ne pourra jamais voter collectivement
pour une idéologie qui le mène à sa destruction, ou alors il faut
arrêter d’être marxiste. Ce n’est pas ici du « populisme », ou une
mystique du peuple mal placée : si les groupes sociaux ne comprennent
pas quel est leur intérêt de classe, alors l’analyse historique n’a plus
aucun sens, et tout devient dans la société l’effet d’un chaos
aléatoire, – pourquoi pas alors imaginer une bourgeoisie qui aurait mal
compris ses intérêts, et qui déciderait d’instaurer le communisme par le
plus grand des hasards ? Si la chose a peu de chances d’arriver, c’est
bien parce que la bourgeoisie, comme le prolétariat, comprennent
parfaitement leurs intérêts de classe.
Ce préambule méthodologique était
nécessaire pour prévenir la mauvaise foi habituelle qui s’empare des
intellectuels de gauche dès qu’on aborde ce sujet. Comparons donc les
résultats de 2022 et de 2024 par classe sociale, et par rapport aux
autres candidats : en 2022, Marine Le Pen rassemblait au premier tour
35 % des ouvriers et des employés, soit 12 % de plus que sa moyenne
nationale, contre seulement 11 % de cadres, et 17 % de retraités.
On a donc une surreprésentation du prolétariat dans l’électorat
lepéniste, et une sous-représentation de la bourgeoisie. Jean-Luc
Mélenchon fait certes 25 % chez les ouvriers, mais il n’y a pas là de
vraie sur-performance par rapport à son électorat moyen, tandis que
Macron sous-performe à 17 %. On a donc ici clairement un choix assez
massif, même s’il n’est pas hégémonique, pour le RN, dans le prolétariat
français, et à l’inverse une répugnance assez tenace dans la
bourgeoisie française.
Ce simple fait interdit de considérer le RN comme un parti fasciste au
sens classique du terme : les ouvriers ne sont pas trompés comme des
enfants bêtes ici, ils sont les moteurs de ses succès. Rien à voir avec
la dynamique du NSDAP dans les années 30 donc. Par ailleurs, le NSDAP se
partageait l’électorat ouvrier à l’époque avec le SPD, et le KPD : on
peut donc dire que tout le prolétariat ne votait pas pour le NSDAP, et
qu’il s’agissait des éléments les plus arriérés de la classe ouvrière.
Ici, on commence à le voir dans les résultats de 2022, et cela se
précisera dans les résultats de 2024 : personne ne fait véritablement
concurrence au RN dans le vote ouvrier. En effet, les résultats de 2024
des européennes sont encore plus nets :
52 % pour la liste RN ! Toute les autres listes choisies par les
ouvriers sont à moins de 9 % : l’écart est énorme, et le RN est ici
totalement hégémonique sur l’électorat ouvrier. Imagine-t-on
sérieusement les ouvriers voter à 52 % pour un parti bourgeois
extrémiste ? Si on le pense, il vaut mieux arrêter tout de suite d’être
marxiste, car le prolétariat sera bien trop stupide pour faire la
révolution et diriger la société dans ces conditions ! On retrouve en
2024 la même sur-performance chez les employés (41%) et la même
sous-performance chez les cadres (18%), plus divisés pour cette
élection.
Ce simple tour d’horizon doit
permettre de déduire que la meilleure conclusion est probablement ici la
plus simple : le RN est vu par une bonne partie du prolétariat français
et des couches populaires comme un défenseur de leurs intérêts, tandis
que la bourgeoisie voit en Macron son champion. Nous sommes ici en
pleine lutte des classes, tandis que la gauche type LFI n’arrive pas à
percer sociologiquement, et joue le rôle de spectateur inutile. On
rétorquera à raison que le RN n’a rien dans son programme de concret
envers les classes populaires. C’est vrai, mais c’est également le cas
de tous les partis depuis qu’ils se sont tous rangés derrière la
construction européenne. Plus personne ne vote en fonction des
programmes, puisque tout le monde sait qu’ils ne seront pas appliqués
quelque soient les résultats. On vote donc pour une image, une certaine
esthétique renvoyée par les partis. Or, à ce compte-là, il est
indéniable que la gauche et le macronisme renvoient une image
insupportablement libérale-libertaire aux couches populaires, ce qui est
moins le cas du RN, plus à l’aise dans une esthétique débonnaire et
jovialement franchouillarde, loin du puritanisme castré et castrateur de
la gauche, et du macronisme. Quand on a renoncé à faire de la
politique, et qu’on ne veut plus être jugé que sur l’image, on n’a que
ce que l’on mérite. La réalité est dure, mais salutaire : l’électorat RN
est celui qui a objectivement le plus intérêt à une transformation
radicale de la société actuelle, et l’électorat macroniste et celui de
la gauche, au maintien du statut quo. Ce vote RN est donc la
manifestation d’une résistance inconsciente du prolétariat à l’ethos
libéral-libertaire qu’on souhaite lui imposer : résistance en grande
partie vaine, et seulement symbolique, mais résistance tout de même. La
gauche qui a cédé à tout sur ce terrain devrait en prendre acte.
Par ailleurs, nous avons la chance de
pouvoir comparer la sociologie du RN avec celle de deux partis
authentiquement fascistes : Reconquête en France, et Fratelli d’Itallia
de Meloni en Italie. La comparaison va tout de suite permettre de mettre
en avant la spécificité du RN. Reconquête a une base électorale trop
petite pour être significative, mais on sait qu’en 2022, E. Zemmour a
fait 18 % à Versailles, et 17 % dans le très chic XVIe arrondissement
parisien : loin de ses 7 % nationaux !
Voilà donc un parti avec une sociologie électorale nettement
bourgeoise. On découvre d’ailleurs un RN snobé dans ces deux
circonscriptions. Car malgré des idées en apparences proches, il est
parfaitement évident que la division très profonde entre le RN et
Reconquête a été une question de classe : Reconquête a tout de suite
assumé ouvertement une politique économique libérale, là où le RN s’est
toujours montré, sinon étatiste, du moins plus interventionniste ;
Reconquête part de façon hystérique dans des délires sur la
« civilisation », concept peu employé par le RN, qui parle plus
sobrement de « souveraineté » ou de « sécurité » pour justifier un
contrôle des frontières ; enfin, Reconquête s’est rapidement rallié un
électorat très catholique et bourgeois, obsédé par les questions
sociétales, là où les électeurs et les cadres du RN affichent
ostensiblement un agnosticisme tranquille, et se désintéressant
parfaitement des questions comme « le mariage pour tous ». Reconquête a
donc été une tentative bourgeoise, avec des mesures vraiment fascistes,
comme la remigration, de couper l’herbe sous le pied à un RN jugé trop
plébéien. Il est parfaitement ahurissant qu’à gauche personne n’ait
voulu le noter publiquement alors que la chose crevait les yeux. Là
encore, on constate que là où il y a du fascisme, il y a de la
bourgeoisie, et là où elle manque, il n’y a pas vraiment de fascisme.
Passons maintenant à l’Italie, terre
éruptive et d’expérimentations politiques aussi audacieuses que sans
lendemain. Le parti de G. Meloni, Fratelli d’Italia, est capital pour
notre démonstration, puisqu’il s’agit d’un parti de masse, donc à la
sociologie parfaitement significative et analysable, et qui synthétise
parfaitement ce que peut être le fascisme européen : profondément
européiste et soumis à la commission européenne, totalement atlantiste
sur les questions internationales, – notamment le soutien fanatique à
l’Ukraine, la haine de la Chine, et l’accord inconditionnel à la
politique israélienne –, et totalement hystérique sur les questions
d’identité (européenne, chrétienne, familiale, ect). Or, que dévoile la sociologie de ce parti authentiquement fasciste ?
Sans surprise, il s’agit d’un électorat complètement bourgeois, dont
les scores montent avec la classe sociale : 10 % chez les plus modestes,
36 % chez les classes aisées, et la progression est linéaire chez les
catégories intermédiaires. On a donc ici l’exact opposé de la sociologie
de l’électorat du RN, et ses deux plus proches cousins en France au
niveau de l’électorat seraient bien plutôt E. Zemmour, et E. Macron. On
apprend aussi que la plupart de l’électorat de Meloni provient de celui
de Berlusconi : on a donc un recyclage classique de l’électorat de
droite chez un parti fasciste.
Or, on ne peut ici que penser au fait qu’en France 47 % de l’électorat
sarkozyste de 2012 s’est retrouvé chez Macron en 2022. Dernier élément
important de la comparaison italienne : autant en France l’électorat
ouvrier s’est retrouvé quasiment monopolisé par le RN, ne laissant aux
autres que les miettes, autant l’électorat populaire italien est
totalement éclaté, ce qui correspond bien avec le schéma des éléments
arriérés d’une classe ouvrière atomisée qui se retrouve à voter pour un
parti fasciste. Si l’on prend par exemple le vote de la classe ouvrière
italienne, on a : 27 % pour les fascistes de Fratelli d’Italia, 20 %
pour la Lega d’extrême-droite, 19 % pour le Parti Démocrate de
centre-gauche, et 11 % pour le mouvement 5 étoiles attrape-tout. On a
donc un vote assez éclaté, loin des 52 % pour le RN aux mêmes élections
en France.
Il faut donc bien comprendre la chose
suivante, synthétisable en un syllogisme clair : le parti de Meloni est
un parti authentiquement fasciste ; or son arrivée au pouvoir n’a rien
changé à la politique italienne ; donc en un sens, la politique
dominante, pro-UE, et pro-OTAN, est, au mieux compatible avec le
fascisme, au pire carrément fasciste. Ceux qui refusent de voir ce fait
sont complices de la montée active du fascisme dans notre société, par
le « centre », et les « partis de gouvernement ».
Concluons donc ce tour d’horizon de la
base de classe du RN. Il est clair que celui-ci n’a pas la sociologie
d’un parti fasciste. S’il devait y avoir un parti en France à la base
sociale proche de celle du fascisme, ce serait plutôt le parti
Reconquête, ou celui d’E. Macron. En fait, quand on regarde le programme
et la sociologie du RN, on a plutôt l’impression d’avoir affaire à un
parti qui serait une sorte de « jacobinisme de droite » plutôt que du
fascisme : une sorte de nationalisme souverainiste, avec une composante
sociale et étatiste, centré autour de valeurs de droite, mais plutôt
universaliste.
Bien sûr, son histoire a laissé des traces sur le RN, ce qui rend
l’analyse de détail plus nuancée, mais on ne peut certainement pas
analyser ces traces comme étant une preuve de fascisme.
Ce qui occulte ce fait à gauche, c’est
la survivance oubliée, refoulée, zombie en une sens, de l’analyse
trotskiste du fascisme, qui a induit toute une partie des progressistes à
mal évaluer la signification de classe du fascisme. Comme le fascisme
est un mouvement barbare, on a voulu voir en lui un mouvement arriéré,
presque archaïque en un sens : « le fascisme, c’est l’archaïsme
technologiquement équipé » dira par exemple le situationniste Guy
Debord. Comme si d’ailleurs il n’y avait pas de barbarie moderne,
« branchée », ou « chic ». Or, si la fascisme est un mouvement arriéré,
il doit s’appuyer sur des classes arriérées historiquement, condamnées à
disparaître par l’évolution historique. C’est le sens du jugement de
Trotski : le fascisme est un mouvement arriéré, et donc, il s’appuie sur
la petite-bourgeoisie traditionnelle, qui se retrouve pris de rage par
l’effet de leur déclassement. Comme il le dit lapidairement, « le
fascisme s’appuie sur la petite bourgeoisie » :
la thèse de Trotski n’est pas seulement que la petite-bourgeoisie
peut-être une force d’appoint au fascisme (ce qui est vrai), mais
qu’elle en est la base sociale principale (ce qui est différent), et
donc qu’il aurait principalement à cœur de défendre les intérêts de la
petite-bourgeoisie. Dans cette vision de classe du fascisme, le RN
aurait un certain potentiel fasciste, du fait des nombreux éléments
petits-bourgeois qui y sont effectivement agglomérés. Seulement, si le
fascisme est un mouvement arriéré, on a du mal à voir comment il
pourrait être l’avant-garde de la lutte contre le prolétariat. Comment
expliquer son efficacité destructrice s’il s’appuie sur une classe
condamnée par l’Histoire ? Et surtout, comment pourrait-il encore
survivre de nos jours si la classe sociale sur laquelle il s’appuierait,
la petite-bourgeoisie, avait quasiment disparu en France ? La réponse
la plus simple à ces questions, c’est que l’analyse du fascisme par
Trotski n’est pas la bonne, mais c’est celle de Dimitrov qui nous en
donne la clé. La base sociale du fascisme, ce n’est pas la classe
arriérée qu’est la petite-bourgeoisie ; sa base sociale, c’est la classe
d’avant-garde parmi toutes dans le capitalisme impérialiste : le
capital financier. En 1935, il livrait cette analyse célèbre, souvent
citée, mais assez peu comprise : « Le fascisme, c’est le pouvoir du
capital financier lui-même. C’est l’organisation de la répression
terroriste contre la classe ouvrière et la partie révolutionnaire de la
paysannerie et des intellectuels. » Le fascisme, c’est la domination directe et terroriste de la bourgeoisie financière, c’est le nec plus ultra
du développement de la société capitaliste : c’est cela qui explique
son rôle d’avant-garde dans la lutte contre le prolétariat, c’est cela
qui explique son efficacité et sa dangerosité, et c’est cela qui
explique sa persistance, même après le déclin de la petite-bourgeoisie
dans l’après-guerre. Le fascisme en son essence n’a pas disparu, il a
changé de forme : le pouvoir terroriste du capital financier contre le
prolétariat a simplement pris le nom de libéralisme libertaire. Le cœur
de l’erreur d’analyse de la gauche, du à ses restes d’analyses
trotskistes, c’est de ne pas voir que le danger fasciste prioritaire
pour la France, c’est Macron, c’est Glucksman, c’est EELV et Zemmour,
bien plus que le RN. C’est eux qui courent le risque d’emmener la France
dans tous les conflits de l’UE, et de l’OTAN, c’est eux qui appuient
sur tous les thèmes du fascisme contemporain otanisé. Tant que l’on ne
comprend pas cela, on ne comprend rien à la question du fascisme en
France.
Car au final, il faut bien comprendre
la signification historique du fascisme, car son interprétation
sociale-démocrate en a souvent fait une simple question morale : le
fascisme, c’est l’horreur, et s’y opposer, c’est être dans le camp du
bien, et de la morale. Ce ne fut pas faux historiquement, mais il faut
bien comprendre pourquoi, et à défaut, on risque de répéter cette
posture morale de façon parfaitement vide, et inadaptée aux
circonstances.
Avec le recul que nous donnent les 80
ans de développement de l’impérialisme atlantiste, nous sommes désormais
mieux en mesure d’apprécier la signification exacte du rôle du fascisme
dans les années 30 et 40. Le fascisme, notamment allemand, italien et
japonais, fut une tentative de ces bourgeoisies nationales pour à la
fois reprendre la main sur leur prolétariat, et pour défendre leur
propre impérialisme national contre les impérialismes concurrents. Le
fascisme historique naquit donc à la fin de la période du
poly-impérialisme, où tous les impérialismes occidentaux se faisaient
concurrence. Or, à partir de 1945, l’impérialisme change de nature, et
devient centralisé et unique : c’est la période du mono-impérialisme
atlantiste, où l’impérialisme américain règne sans partage, et où les
autres impérialistes lui sont strictement subordonnés, et perdent toute
autonomie.
Dans ces conditions, le fascisme change de signification historique, et
ce qui joue le même rôle social, c’est le libéralisme-libertaire. Le
fascisme historique a donc été un phénomène de transition, et ce qui a
survécu de lui, ce sont ses éléments libéraux-libertaires.
Il est donc évident que vu le
changement structurel survenu dans l’impérialisme, il est impossible que
le fascisme historique du poly-impérialisme revienne à l’identique,
avec les mêmes thématiques et les mêmes forces sociales, à l’époque du
mono-impérialisme. Croire le contraire revient à participer à une farce,
celle de « l’anti-fascisme d’opérette », et à occulter les véritables
enjeux. Le but du fascisme, c’est la défense par tous les moyens de
l’impérialisme dominant. A notre époque, ce ne peut donc être que la
domination du capital financier américain, des institutions
supra-nationales comme l’UE, l’OTAN, le FMI ou la BCE. Le fascisme de
notre époque ne sera certainement pas nationaliste, mais atlantiste et
cosmopolite (ou « européiste », pour faire plus chic) ; il ne sera pas
raciste, misogyne, homophobe, ou anti-écolo, mais comme tout le grand
capital américain actuel, mondain, chic, et branché, il se dira
anti-raciste, féministe, LBGT-friendly et écologiste. Il pourra
à l’occasion brandir la défense hystérique de l’identité et de la
civilisation occidentale contre les BRICS et autres, mais il préférera
toujours le régionalisme à la nation.
On commence à comprendre un peu mieux
le goût de la gauche pour la farce anti-fasciste, et son réflexe
désormais pavlovien et anencéphalique à chaque élection : elle jouit de
sa propre posture morale, sans se demander quel est son contenu concret.
Pour des raisons parfaitement explicables matériellement, le fascisme
s’est manifesté une fois historiquement, et la gauche communiste s’est
alors retrouvée, de facto, dans une position d’incarner une
forme de moralité concrète humaniste contre l’immoralisme fasciste
décadent et nietzschéen. Et face à l’horreur fasciste, l’urgence a
nécessité de s’allier avec toutes les bonnes volontés, furent-elles
aussi crapuleuses que la SFIO d’alors, ou le parti radical. D’où le
Front Populaire, version 1936. Mais la gauche, et malheureusement
beaucoup de communistes, ont par la suite conservé cette position, parce
qu’elle était intellectuellement confortable, et permettait de ne
jamais se remettre sérieusement en question : la gauche était le camp du
bien, et en face, il y avait le mal. Et dans cette équation, la gauche
européiste, la droite libérale, et tout le libéralisme-libertaire
étaient finalement lavés de tout pêché. Le salut, c’était de « jouir
sans entrave », et tout ce qui avait l’air de faire mine de s’opposer à
ce mouvement était damnation. Le plus ironique, c’est que cela bien sûr
faisait apparaître le fascisme comme étant quelque chose de sérieux, de
structuré, et de discipliné, ce qu’il n’était pas, bien au contraire. Il
faut suivre pas à pas l’histoire du nazisme pour voir qu’ils furent les
premiers promoteurs d’un « jouir sans entrave » macabre.
On atteint ainsi le sommet du ridicule
dans la séquence actuelle, où la gauche, incapable de regarder la
réalité en face et de prendre en compte les données élémentaires, peut
aller dans des manifestations à l’éthos et la phénoménologie
parfaitement libéral-libertaires et pseudo-festives, hurler comme des
déments que « la jeunesse emmerde le Front National ! ». Outre que
l’appel à la jeunesse comme une force nécessairement bonne est pour le
coup parfaitement fasciste, et totalement étrangère au mouvement
ouvrier, le slogan révèle que la gauche est prisonnière de son
imaginaire. Elle mobilise un imaginaire momifiée, où des vieux,
forcément réactionnaires et pas cools, voudraient empêcher des
jeunes, forcément progressistes et « branchés », de vivre comme ils le
souhaitent. Les vieux castrateurs contre les jeunes jouisseurs en somme,
avec le RN dans le premier rôle, et la gauche (et Macron, bien sûr)
dans le second rôle. Las, l’image a depuis longtemps cessé de vivre :
c’est l’électorat macroniste qui est composé de vieux boomers
toujours bloqués dans un mai 68 éternel, tandis que Marine Le Pen
caracole en tête dès la tranche d’âge des 25-35 ans, et s’effondre chez
les plus de 65 ans.
Les manifestations actuelles ressemblent donc à des manèges abandonnés
et sans vie, dans des endroits lugubres, où tournent désormais en rond
des statues sans tête, mais qui produisent toujours le même son qu’au
temps des grandes foires : « la jeunesse emmerde le Front National ! »…
Cette longue démonstration était
nécessaire pour comprendre ce qui va suivre. Cette gauche, qui se sera
donnée à fond pour ses places, et pour un soi-disant « combat
anti-fasciste », va mourir. Très bientôt. Car lorsque le RN parviendra
au pouvoir, et que tout le monde verra que nous ne basculerons pas dans
le fascisme hitlérien, que le bruit des bottes ne reviendra pas, que les
camps de concentration ne vont pas rouvrir, alors tout ce beau monde va
comme s’éveiller d’un rêve. Les masques tomberont, et le roi sera nu.
Le RN sera au pouvoir, et tout se passera à peu près comme avant : sur
le plan économique, sur le plan social, sur le plan sécuritaire. Comme
sous Macron. Comme sous Sarkozy. Comme sous Hollande. Peut-être un peu
pire, peut-être un peu mieux, peut-être comme avant : les vrais
bouleversements arriveront par les contradictions entre la base sociale
du RN, et son programme aminci qu’il ne voudra pas appliquer. Ce qui se
seront prêtés à ce spectacle désolant auront à jamais perdu toute
crédibilité politique auprès des masses – si tant est qu’ils en aient un
jour vraiment eu. Les plus fous continueront le délire sectaire bien
sûr. Mais à l’avenir, ce sera une lubie marginale. Pour la première
fois, ils sont allés jusqu’à convoquer le fantôme du Front Populaire, et
c’est une faute qui ne leur sera pas pardonnée.
On aurait dit qu’ils voulaient à tout prix donner raison à Marx : « la
première fois comme une tragédie, la deuxième fois comme une farce…. ».
Quant à ceux qui n’appellent pas à
voter pour le « Nouveau Front Populaire », mais qui persistent à
qualifier le RN de « fasciste », on voit bien qu’ils ne sont pas
sérieux, et qu’ils ne croient pas réellement eux-mêmes au fascisme du
RN. Face au fascisme historique et à sa violence de classe, toutes les
alliances étaient permises : faut-il rappeler que le PCF de Thorez s’est
allié aux bouchers SFIO de la première guerre mondiale, aux frères des
assassins de Rosa Luxemburg et de Karl Leibknecht, et aux radicaux qui
faisaient quelques années avant tirer sur les ouvriers grévistes ? A
côté, un Glucksmann ou un Hollande font figures d’enfants de chœur. Si
réellement ils croyaient au danger fasciste, ils se rangeraient derrière
eux. Leur contradiction signe leur insincérité à eux-mêmes.
6) Le RN, une impasse nécessaire
Dans ces conditions, il faut envisager
le plus froidement possible l’éventualité la plus probable, celle d’une
arrivée du RN au pouvoir. Pour commencer, il faut arrêter de jouer à se
faire peur avec « l’angoisse du fascisme », et une sorte de fantasme du
retour de l’hitlérisme, dans une société qui n’a plus rien à voir –
comme si le fascisme était une sorte d’essence démoniaque et cachée,
toujours prête à fondre sur nos gentilles sociétés qui n’ont rien
demandé à personne. On trouvera une bonne illustration en la personne de
l’inénarrable F. Lordon, qui, jamais avare d’une bouffée narcissique,
se pense visiblement suffisamment dangereux et important pour le grand
capital pour mériter, lui et tous les grands guignols de la gauche, une
descente de SA chez lui.
Si seulement le grand capital se pensait menacé pour en arriver à de
telles extrémités ! Mais il y a fort à parier que même si c’était le
cas, ils laisseront tranquilles les Ruffin, les Corbière et les Lordon :
il faut avoir la stature d’un Ernst Thälmann pour mourir à Buchenwald ;
et des Thälmann, il n’y en a pas en France en 2024. Que tout le monde
dorme sur ses deux oreilles sur ce point.
Plus sérieusement, l’effet d’un RN au
pouvoir dépendra d’un certain nombre de facteurs que seule l’élection
déterminera : majorité absolue ? Relative ? Et dans ce cas-là, coalition
avec qui ? LR ? Tous ou en partie ? Jusqu’aux députés macronistes
rescapés ? Et quel poids aux transfuges de Reconquête ? Tout cela, seuls
les rapports de force électoraux le trancheront, et pour l’instant,
c’est assez flottant.
On semble néanmoins se diriger vers
une sorte « d’union des droites », aux contours indéterminés. Pas de
quoi renverser la table : 7 ans de macronisme démentiel, et tout ce
cirque, pour reconstituer l’UMP ! Ça valait bien la peine…. Le RN semble
donc achever ici son processus de normalisation, et d’affadissement
total de ses idées entrepris depuis 10 ans. Les anciens amis ouvertement
nostalgiques du fascisme ont été remisés à l’arrière-boutique, ou
carrément virés. Les proposions polémiques ont été abandonnés les unes après les autres.
Les propositions socialement offensives de l’époque de Philipot, sur la
nationalisation des banques, la sortie de l’UE, de l’euro, de l’espace
Schengen sont toutes de l’histoire passée. On dira que puisque de toute
façon les programmes ne sont jamais appliqués, cela ne change pas
grand-chose. Pas faux. En tout cas, à regarder le fonctionnement du RN,
son programme, et son idéologie, il n’y a plus rien d’un programme de
rupture par rapport aux partis centristes dominants, même par la droite.
N’attendons donc point de grands bouleversements dans la répression
avec l’arrivée au pouvoir du RN, dans un sens, comme dans l’autre. Il y
aura probablement quelques attaques contre les travailleurs d’un côté,
mais aussi vraisemblablement des concessions de l’autre, et donc
attendre de cet événement un durcissement de la politique de Macron est
une chimère. Comme si avec ce fanatique du capital qu’était Macron, la
grande bourgeoisie avait besoin de quelqu’un de plus agressif ! On voit
mal ce que le RN serait en mesure d’imposer de réactionnaire que Macron
ne pourrait faire, voire même n’a déjà fait.
Le première impulsion du RN sera donc
de se « méloniser », comme ce qu’à fait G. Meloni en Italie : le parti
est d’extrême-droite, mais en tout, politique économique, politique
internationale, il fait comme tous les partis de gauche et de droite au
pouvoir auparavant. Le RN est donc une impasse en ce sens qu’il ne
débouchera sur rien de nouveau.
Seulement, deux éléments risquent de faire exploser en vol ce plan de la bourgeoisie du business as usual, et du « tout va très bien Mme. La Marquise ».
D’abord, la sociologie électorale du
RN, qui, comme nous l’avons vu, n’a rien à voir avec celui de Meloni en
Italie : autant celle-ci avait un électorat parfaitement bourgeois,
autant celui-ci a un électorat totalement plébéien. Ceci aura quelques
conséquences sur la suite. Car en effet, si le RN va tenter dans un
premier temps de préserver l’équilibre existant, à savoir, le carcan
européen, et la pré-dominance des classes et couches sociales
actuellement au pouvoir, rien ne dit qu’il pourra y arriver. Au
contraire même : s’il s’enferre dans l’immobilisme, sa base sociale le
lui fera payer, et chèrement. Car, ne l’oublions pas, elle l’a montré
durant les gilets jaunes, la plèbe est dure à l’ouvrage : elle ne
manifeste pas gentiment comme les couches moyennes lib-libs. Ses
méthodes sont dures, car la vie lui est dure. Personne, et surtout pas
le RN, n’a envie de l’affronter. Or, à avoir autant promis aux
catégories populaires, et à se résigner aussi rapidement au statu quo
social, le RN prendra le risque de l’embrassement total. Il est aussi
possible, que, poussé par sa base populaire, il soit contraint d’essayer
d’imposer des compromis à l’oligarchie européiste. Afin de ne serait-ce
que survivre politiquement. Mais un Tsipras pourra leur dire : on
obtient aucun compromis de ces gens. Toute demande de compromis dans le
cadre de l’UE et du carcan atlantiste revient à le faire exploser. Le RN
sera pris en étau entre sa base populaire, et la grande bourgeoisie
européenne, médiatisée par les institutions communautaires de l’UE, et
il y a fort à parier qu’il soit broyé par cette position plus
qu’inconfortable. Là encore, tout dépendra de l’ampleur de sa victoire
aux législatives : avec une majorité absolue, le processus
s’accélérera ; dans le cas d’une majorité relative, il sera ralenti.
Quoiqu’il en soit, l’arrivée du RN au pouvoir ne sera pas semblable à
celle de Meloni : car s’il ne s’est rien passé quand cette dernière a
abdiqué sur tous ses thèmes, c’est que son électorat, bourgeois, avait
déjà voté pour être trahi. Ce ne sera pas le cas de celui du RN, beaucoup plus plébéien comme nous l’avons vu.
Le deuxième élément à prendre en
compte, et qui viendra percuter le scénario d’une continuité bien
tranquille, c’est la situation économique et financière de l’État que le
RN a à diriger. La dette est colossale, et, si l’État veut continuer à
emprunter, il y a tout à parier pour qu’il soit contraint par les
marchés financiers d’imposer des cures d’austérité sans précédent. A
supposer même qu’il veuille appliquer son programme, le RN ne le pourra
pas sans renverser la table de l’économie dominante, et il est peu
probable qu’il le fasse. Le RN va donc se trouver dans une situation
inédite de chaos social, avec un pays ingouvernable, et un État au bord
de la faillite. On voit mal comment les choses pourraient rester en
l’état, et dans un doucereux statu quo. D’autant que si l’on suit les
mouvements sur les marchés financiers, les menaces contre le RN ont déjà
commencées :
si le RN tente quoi que ce soit contre l’UE, le marché des obligations
de la France sera attaqué, et nous nous retrouverions dans la même
situation que la Grèce en 2010. On ne s’attaque pas impunément à ces
puissances, et si on le fait, il faut en avoir les épaules, ce que n’a
pas le RN.
Tout ceci provoquera des désillusions
massives chez beaucoup de gens : désillusion des classes populaires qui
auront porté le RN au pouvoir, et désillusion des couches moyennes de
gauche, de plus en plus paupérisées, qui auront cru au « front
anti-fasciste » qu’on leur aura vendu. L’impasse du RN est donc une
étape nécessaire pour tout le monde, afin de perdre ses illusions, et de
passer enfin à autre chose. En l’état actuel des choses, il n’y a pas
d’autres chemins, à part un tour de piste de macronisme supplémentaire,
ou un grand guignol de l’union de la gauche, mais qui ne changeront rien
à la situation présente, et ne feraient que ralentir l’Histoire, et
nous faire retomber, dans quelques mois, ou années, exactement au même
point, mais en pire. Nous avons déjà assez perdu de temps. Le RN est une
impasse, mais c’est une impasse nécessaire.
D’autant que la peur du fascisme liée à
une arrivée du RN au pouvoir est solidaire d’une confusion
regrettable : celle entre anomie et comportement déviant des individus
d’un côté, et politique globale fasciste de l’autre. Il est certain que
l’arrivée du RN au pouvoir augmenterait les actes agressifs et déviants
de beaucoup d’individus, y compris de fonctionnaires, et de
groupuscules, qui se sentiraient plus autorisés à « se lâcher », et
qu’ils seraient moins sanctionnés. Seulement, on ne veut pas voir que,
premièrement, l’augmentation de l’anomie est déjà présente sous le
macronisme, et, deuxièmement, que l’anomie ne fait pas le fascisme à
elle seule, même si elle peut en être un facteur. Car le RN sera
probablement pris dans une contradiction face à ces initiatives
individuelles. D’un côté, il les aura objectivement encouragées par sa
rhétorique, et les passions qu’elle mobilise. De l’autre, ce sera plus
l’appareil d’État qui contrôlera le RN que l’inverse, et celui-ci,
toujours soucieux de préserver le statu quo politique dans un
conservatisme inébranlable, sera certainement facteur d’inertie. On voit
donc que l’arrivée du RN au pouvoir serait facteur d’anomie, et de ce
que nous avons nommé en introduction, anarchie, et nous verrons en
conclusion quels effets objectifs elle produira.
De plus, il ne faut pas négliger un
facteur psycho-idéologique, que nous appellerions « le prisme des
étiquettes ». Si Macron a pu aller aussi loin dans la violence de
classe, y compris physique, c’est bien parce qu’il était perçu par les
médias et la masse de la population comme « centriste » et « modéré »,
jeune, dynamique, et « branché ». La force du préjugé qui le frappait
lui a servi de blanc-seing à toutes ses ignominies. Qu’importent les
images atroces de répression des Gilets Jaunes : pour tout le monde, il
était le « modéré raisonnable », celui qui en 2017 nous avait sauvé du
fascisme ; comment dans ces conditions imaginer qu’il puisse lui-même
être un fasciste tortionnaire et sanguinaire ? C’était impossible, donc
ça n’existait pas. Autrement dit : le fait de ne pas avoir été perçu
comme fasciste a permis à E. Macron d’exercer une violence de classe en
toute impunité, ce qui lui aurait été assurément impossible en cas
contraire. Le fait s’est vérifié lors des derniers mandats de
gouvernements « de gauche » (ceux de Jospin, et de Hollande) : ils ont
pu aller beaucoup plus loin, par exemple en matière de restriction
budgétaire, et même souvent de thématique identitaire, que la droite
chiraquienne et sarkozyste, car ils étaient d’avance lavés de tout
soupçon, étant perçus comme « de gauche ».
Ainsi, tout porte à croire qu’un
mandat RN commencerait et se déroulerait sous haute surveillance, chacun
étant à l’affût de la moindre de trace de « fascisme », réel ou
supposé, pour hurler au loup et jouer à se faire peur. La pression
idéologique et médiatique serait donc plus paradoxalement grande sur un
gouvernement RN que sous Macron. Or, on sait depuis Lénine que les
capitalistes ne peuvent jamais gouverner en ignorant totalement
l’opinion publique, et l’image qu’ils renvoient. L’ironie est donc
piquante : il n’est pas du tout impossible que le fait que le RN soit
d’extrême-droite aux yeux de tous le tempère dans son action de
répression par rapport à celle de Macron ! La croyance dans des
catégories vidées de toute substance de classe aura ainsi fait plus
qu’aveugler la gauche.
Le seul domaine où l’arrivée du RN au
pouvoir pourrait phénoménologiquement imprimer sa marque particulière
serait la politique culturelle. Et objectivement, vu ce qu’est devenue
celle-ci ces 40 dernières années, on se surprend à penser que cela ne
serait pas plus mal. L’exclusion des mangas du « Pass culture » aura
beau faire hurler les relativistes et les bourdieusiens de tout poil,
toujours plus prompts à vouloir imposer One Piece
que Balzac aux couches populaires, on aura du mal à voir cela comme une
régression. Idem pour une éventuelle privatisation de l’audiovisuel
public : qui est encore assez aveugle pour croire que celui-ci propose
des programmes culturels de haut niveau, et une indépendance politique
et idéologique suffisamment importantes, pour qu’un passage dans les
mains des intérêts privés le vide de sa substance, et soit un terrible
drame ? Vu les bêtises qu’on y produit, on se surprend à penser que
l’initiative serait salutaire.
Et on pourrait continuer la liste
longtemps. La gauche y verra matière à hurler au « fascisme », cela ne
paraîtra pas bien sérieux. Et si l’État français arrêtait de
subventionner au passage quelques spectacles de théâtre avec des
comédiens tout nus sur scène, pourquoi pas…
7) Les deux voies vers l’anarchie
Après l’exposé de ces quelques
éléments, on comprend alors pourquoi nous allons vers une anarchie, au
sens étymologique du terme, d’une absence de gouvernance, et que
celle-ci est annoncée et totalement prévisible. Et ceci est tellement
vrai qu’il est a peine voilé que les trois forces en concurrence ne
veulent pas gagner ces élections : ni le RN, ni les macronistes, ni la
gauche ne veut réellement les gagner, car il s’agirait d’un cadeau
empoisonné.
A partir de maintenant, il existe cependant deux voies distinctes qui pourraient nous mener vers l’anarchie.
Soit le RN trahira sa base sociale une
fois au pouvoir, et appliquera les cures d’austérités européistes avec
détermination. Le pays risque alors une explosion sociale sans
précédente. Ce pourrait être aussi à l’occasion d’une soumission à l’UE.
Avec la base sociale du RN que nous avons décrit, imagine-t-on
sérieusement un J. Bardella arriver à l’Assemblée, et dire, comme l’a
fait Meloni,
que « la France a besoin de l’immigration », sans qu’il ne se passe
rien ? La colère de classe serait gigantesque, et moins tranquille qu’en
Italie. On pourrait alors voir les deux parties de l’électorat du RN
s’affronter dans une violence sans nom : les forces de l’ordre,
éventuellement blanchies d’avance par des lois prévues par le RN comme
indiqué dans son programme,
et les classes populaires blanches et rurales, qui manifesteront leur
mécontentement, et seront alors brutalement réprimées. De cette
affrontement, nul ne peut prédire ce qui sortirait, à part une anarchie
généralisée.
Soit, pour une raison inconnue
(peut-être simplement pour survivre physiquement ?), le RN devra tout de
même satisfaire sa base sociale, et sera contraint d’enfoncer certains
pans du carcan européen. Peut-être même tiendra-t-il dur sur certains
points, et en cherchant à imposer un compromis, il causera malgré lui
une fêlure dans ce carcan, et ouvrira la boite de Pandore qui renversera
toute la table. Mais là encore, vu le caractère non-voulu par le RN de
cette situation, il ne saura absolument pas la gérer, et ce serait un
autre type d’anarchie qui s’instaurerait. Quoi qu’il en soit,
l’apaisement et la stabilité sont très loin devant nous. Et tant mieux :
les Dioclétiens attendront.
Le lecteur qui aura suivi jusqu’ici le
raisonnement aura par ailleurs compris qu’à court terme, peut-être
quelques mois, peut-être deux ans, toutes les forces politiques majeures
qui composent notre paysage politique auront disparu dans la tempête
qui s’annonce, ou en tout cas, seront reconfigurées au point d’être
devenues méconnaissables. Le macronisme est déjà mort, la gauche ne
survivra pas à son propre mensonge et au mur de la réalité, et le RN à
ses contradictions que l’exercice du pouvoir révélera au grand jour. Les
vieux loups de mer de la politique que sont Mélenchon et Le Pen l’ont
déjà obscurément compris, et se tiennent à distance de tous ces
événements.
Peut-être même abandonneront-ils leurs partis avant qu’ils soient
décrédibilisés, pour essayer de revenir plus tard, et de jouer la carte
de l’homme ou de la femme présidentielle. En tout cas, c’est une page
qui se tourne.
Peu importe donc la distribution
actuelle des cartes, puisque tout sera rebattu très vite. Que les
communistes ne se chagrinent donc pas trop d’être insignifiants à
l’heure actuelle, car une fois les illusions balayées, il y aura du
temps pour la clarté. Pour l’instant, il fait un peu trop sombre pour
les yeux de nos contemporains.
Notamment dans Histoire de la Rome antique : les armes et les mots ; et Les Divins Césars
Cf. Annie Lacroix-Riz,Aux origines du carcan européen (1900-1960): La France sous influence allemande et amérciane, éd. Delga
Voir Néo-fascisme et idéologie du désir et Le capitalisme de la séduction
Dans le livre du même nom, La destruction de la raison
http://jrcf.over-blog.org/2020/04/la-chute-du-mur-de-berlin-acte-ii-introduction.html
http://jrcf.over-blog.org/2020/04/la-chute-du-mur-de-berlin-acte-ii.html
http://jrcf.over-blog.org/2020/04/la-chute-du-mur-de-berlin-acte-ii-crise-geopolitique-et-des-politiques-nationales.html
http://jrcf.over-blog.org/2020/04/la-chute-du-mur-de-berlin-acte-ii-que-faire.html
La destruction de l’industrie allemande par cette décision absurde n’a
pas été beaucoup relevée en France, et aura très certainement des
conséquences incalculables.
https://www.ifop.com/publication/le-modele-etato-consumeriste-la-france-dans-limpasse/
Par exemple, dès novembre 2023 : https://actu.fr/politique/apres-la-loi-immigration-une-dissolution-de-l-assemblee-nationale-voici-ce-qu-elle-impliquerait_60446379.html
La liste Aubry aura ainsi réussi à gagner 1 millions de voix en nombre
absolu par rapport à 2019, sur une élection qui d’habitude ne réussit
pas trop à LFI.
Aussi divers que Anice Lajnef, Olivier Berruyer, Charles Gave ou encore Jérôme Fourquet. Par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=Dl4EC9qT6ZA&t=1139s
Au point que la Commission européenne ne se cache même plus de vouloir
mettre la France sous la tutelle de la « Troïka (BCE, FMI, et la-dite
Commission) : https://x.com/le_Parisien/status/1803150827386773909
12 https://fr.statista.com/statistiques/1302004/resultats-premier-tour-presidentielles-2022-age/
https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/details/40_SOC/41_SVE/41C_Figure3
https://www.lefigaro.fr/elections/legislatives/legislatives-d-apres-la-projection-des-europeennes-les-macronistes-et-lr-menaces-de-disparition-20240612
Sauf éventuellement coup de force majeure, comme une activation de l’article 16 de la constitution : https://www.europe1.fr/politique/europe-1-vous-revele-en-cas-de-debordements-apres-les-elections-le-emmanuel-macron-pourrait-activer-larticle-16-de-la-constitution-4253775
Fait révélateur, G. Darmanin et B. Lemaire semblent déjà anticiper la fin de leurs mandats, quelques soient les résultats : https://x.com/Mediavenir/status/1804115345571004497
https://www.leparisien.fr/elections/legislatives/legislatives-anticipees-bruno-le-maire-vers-la-fin-dun-septennat-a-bercy-21-06-2024-6QDREJF6XRHY7P5ZBHP3GUFQJM.php
https://www.youtube.com/watch?v=fTR31COer0M&t=1434s
https://www.les-crises.fr/dossier/aventures-raphy/
https://www.marianne.net/politique/gauche/conseiller-de-saakachvili-et-negos-sur-les-armes-georgie-ukraine-glucksmann-epoque-consultant-en-revolution
https://www.lorientlejour.com/article/448237/L%2527ancien_ministre_Ghassan_Salame_plancherait_sur_une_Constitution_calquee_sur_celle_de_Taef_Une_formule_a_la_libanaise_pour_gouverner_l%2527Irak_.html
https://www.college-de-france.fr/media/dominique-kerouedan/UPL4952127859254629455_Ghassan_Salam__.pdf
https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/06/14/ce-que-contient-le-programme-du-nouveau-front-populaire-pour-les-elections-legislatives_6239928_823448.html
https://x.com/edwyplenel/status/1801240812979728448
Lettre à Joseph Bloch, 21-22 septembre 1890
Ainsi, sur la différence capitale en genèse et Histoire, voir Histoire et conscience de classe de Lukács (p. 200 éd. Minuit)
Faut-il rappeler qu’en Allemagne, le SPD actuel à été fondé par Engels,
et que le très social-traître Parti Démocrate italien est un descendant
du Parti Communiste Italien de Gramsci ? Là encore, pauvre Engels et
pauvre Gramsci !
Science de la Logique, II : « Il faut que l’essence apparaisse » (p. 115, éd. Vrin). Cessons donc de chercher des essences cachées en politique !
Ainsi, on aurait du mal à comprendre qu’un parti fasciste soit autant à
l’arrière-garde de la réaction internationale, et fait plus que traîner
des pieds pour mener les guerres impérialistes à la Russie, et à la
Chine. Certains seront en effet peut-être surpris de constater que le RN
n’est pas un parti particulièrement belliciste envers la Chine, comme
montré ici : https://www.lexpress.fr/politique/rn/marine-le-pen-ses-troubles-liaisons-avec-la-chine_2182198.html Le fascisme est l’avant-garde de la réaction, ou il n’est pas.
https://www.lemonde.fr/archives/article/1976/06/15/puisse-le-temps-faire-que-le-souvenir-de-petain-s-identifie-a-celui-qu-en-gardent-les-combattants-declare-m-giscard-d-estaing_3144740_1819218.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Mitterrand_pendant_la_Seconde_Guerre_mondiale
https://www.insee.fr/fr/statistiques/2861345
Pourquoi les pays de l’Est, la RDA par exemple avec le mur de Berlin,
interdisaient-elles l’émigration ? Pour ne pas que le socialisme forme gratis des médecins et des informaticiens qui iront ensuite se vendre à prix d’or à l’Ouest pardi !
Le rapport entre développement civilisationnel et arriération
anthropologique est moins binaire qu’on ne le pense d’habitude. Cette
dernière en effet, comme l’avaient très bien montré Engels et E. Todd,
est parfois en réalité le résultat d’un long processus de développement
civilisationnel (comme dans le monde arabo-musulman, en Chine, ou en
Inde), – ce qui explique d’ailleurs la difficulté à la surmonter,
surtout si, comme pour la bourgeoisie coloniale et immigrée, cette
arriération anthropologique retrouve une seconde jeunesse dans le
capitalisme et la société civile, ce « règne animal de l’Esprit » comme
l’avait formulé Hegel de façon magistrale. On peut ici penser à la
survivance du phénomène de castes chez les indiens de la Silicone
Valley, ou au goût des rapports féodaux interpersonnels dans
l’entreprise capitaliste moderne, ou dans l’administration, chez
l’ancienne bourgeoisie de l’empire colonial. Il y a donc clairement une
dialectique entre civilisation et arriération, qui explique d’ailleurs
l’arriération anthropologique sincère dans la civilisation économique.
https://www.ipsos.com/fr-fr/presidentielle-2022/1er-tour-abstentionnistes-sociologie-electorat
La haute bourgeoisie étant trop peu nombreuse pour être représentée
dans des enquêtes de vote, le moyen le plus sûr de repérer ses
orientations politiques consiste à suivre la couche sociale qui lui est
la plus inféodé idéologiquement : les cadres. Si vous voulez savoir où
sont les maîtres, suivez les attroupement de valets.
https://www.bfmtv.com/politique/elections/europeennes/resultats-europeennes-2024-categorie-socio-professionnelle-age-comment-ont-vote-les-francais_AV-202406090467.html
https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/presidentielle-eric-zemmour-place-deuxieme-au-premier-tour-dans-le-16eme-arrondissement-de-paris_50072115.html
https://actu.fr/ile-de-france/versailles_78646/presidentielle-2022-a-versailles-la-percee-de-zemmour-et-melenchon_50118670.html
Démonstration par l’exemple : https://www.youtube.com/watch?v=Lh9AMSW_JM0
https://cise.luiss.it/cise/2024/06/10/chi-ha-votato-chi-gruppi-sociali-e-voto/
https://legrandcontinent.eu/fr/2022/09/22/comment-se-structure-lelectorat-italien-16-cartes-34-graphiques/
E. Todd en son temps, dans Qui est Charlie ?,
avait théorisé la différence entre la « xénophobie universaliste », qui
serait plutôt celle du RN (j’ai une animosité envers l’étranger car je
pense qu’il est au fond mon égal) et la « xénophobie différentialiste »,
plus anglo-saxonne d’origine, et qui serait plus celle de Reconquête
(j’ai une animosité envers l’autre car je pense qu’il n’est pas mon
égal). En lien avec cette hypothèse, il avait par ailleurs noté que les
régions de France où l’on vote aujourd’hui le plus RN sont les régions
qui ont historiquement fait la Révolution française, et ont été
déchristianisés tôt. A l’inverse, le vote Macron est hégémonique dans
les régions qui ont combattu la Révolution française. Cette inconscient
historique et anthropologique correspond bien au caractère hybride de
« jacobinisme de droite » du RN que nous avons identifié. Et qui sera
surpris de l’anthropologie contre-révolutionnaire du macronisme ?
https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1932/01/320127c.htm
Discours au 7ème congrès de l’Internationale communiste, août 1935.
Là dessus, voir la très belle fresque récente de Annie Lacroix-Riz, dans Les origines du Plan Marshall
Des travaux récents ont montés ces aspects très libéraux-libertaires du nazisme, comme par exemple l’excellent Libres d’obéir de J. Chapoutot. Pour une démonstration visuelle, le film soviétique Requiem pour un massacre montre bien cet aspect désorganisé et libéral-libertaire dans l’ethos nazi sur le front de l’Est.
On a ainsi pu noter que les régions qui votaient le plus RN en France
étaient celles avec le moins d’identité locale régionale, et celles pour
lesquelles le cadre national est primordial, car il n’y en a pas
d’autre. Quant à sait à quel point le pétainisme était lié au
régionalisme, le retournement est piquant ! cf. https://www.youtube.com/watch?v=SKrpeAlH05w, à partir de 39’’
https://fr.statista.com/statistiques/1302004/resultats-premier-tour-presidentielles-2022-age/ :
le cas des 18-24 ans est significatif, même si le RN fait un score non
négligeable chez eux. Très influencés par l’idéologie lib-lib et
européiste que l’éducation leur a mis dans la tête, ils se jettent dans
la vie avec la ferme intention de « jouir sans entrave », et se
retrouvent, bien naturellement, en masse chez Mélenchon et Macron. Mais
la dure et salutaire école du travail les rappelle à la réalité, et
qu’ils sont nés trop tard pour le rêve lib-lib, et changent dès 25 ans
leur fusil d’épaule. On est pas sérieux quand on a 17 ans.
Sur le caractère parfaitement artificiel de la tentative, et sur la
conscience qu’en convoquant ce moment, on franchissait une ligne rouge
symbolique, voir cet petit extrait : https://x.com/ensocieteftv/status/1802394556857553339?fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTAAAR1SjJl0g2dwYOUJ9vL8Akv6lT8WcM7bqVSXAfXmu-GRgMIh1XbRFcBM3k4_aem_hC57k7bnnlMo0y4i0usrTA
https://blog.mondediplo.net/sale-tartine : Lénine convoqué pour cette farce, on préfère en rire.
Saluons ici cet article de Unité communiste, qui, dans le délire
ambiant, a le mérite de rappeler à tout le monde que l’instauration du
fascisme dans un pays qui ne connaît pas de mouvement révolutionnaire
serait un non-sens, et un processus aussi absurde qu’une montée sans
descente : https://unitecommuniste.fr/non-classe/que-faire-le-30-juin/?fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTAAAR1YHJ_mpI_nBIVBB-CBXMslvr9j0ua-cxzkUq714slr5rmx0BmTofpZ-uw_aem_RODXzYsV8H03Gdoh7-kXzg
Pour exemple, les frasques du parti avec Serge Ayoub commencent à
remonter, et les liens avec Frédéric Chatillon se sont plus que
distendus au fil du temps.
51 Pensons par exemple à la bévue de Chenu sur les binationaux, ou la position sur le voile : https://www.laprovence.com/article/politique/60950216911925/le-rn-sebastien-chenu-parle-de-supprimer-la-double-nationalite-une-idee-abandonnee-depuis-2-ans-par-le-pen
https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/04/18/presidentielle-2022-marine-le-pen-n-assume-plus-de-vouloir-interdire-le-port-du-voile_6122581_6059010.html
Même sur l’immigration : Bardella, s’emmêlant les pinceaux et ne
comprenant rien à ce que lui dit une auditrice de nationalité étrangère,
invente en direct la catégorie de « français de nationalité étrangère »
(?!?). Le garçon est à deux doigts de réinventer la constitution
jacobine de 1793, qui octroyait la nationalité français après avoir
travaillé un an sur le territoire national !
Plus lucide que bien des « marxistes » sur ce point, la grande
bourgeoisie, par l’entremise de la BCE et de la Commission européenne,
semble déjà entrapercevoir cette possibilité, et d’essayer de la
conjurer, en projetant de mettre d’avance la France sous tutelle de la
Troïka, ou de l’article 16, voire même (soyons fous !), les deux à la
fois : Bardella n’aura peut-être même pas « l’honneur » d’être un
Tsipras, et d’avoir l’occasion de trahir !
De façon intéressante, Lordon sent confusément ce fait dans le billet
déjà cité, mais, conformément à son orientation petite-bourgeoise et
gauchiste, il se fait à lui-même une frayeur en imaginant un RN nazi,
face à une Meloni apprivoisée. C’est une déformation, mais une
déformation logique, puisque Lordon sent bien que le prolétariat qui
aura mis le RN au pouvoir ne se laissera pas faire par l’UE.
Visiblement, cette perspective le terrorise. Nous non.
https://www.youtube.com/watch?v=nAa0FvRAvBI
Situation authentiquement vécue avec des élèves au sein de l’Éducation nationale…
https://x.com/RobertoAvventu2/status/1778833795816313236?t=1JAeyDwEax-C8bc5lphEWQ&s=19
C’est clairement la mesure la plus fasciste du programme du RN : https://www.marianne.net/agora/humeurs/le-rn-et-sa-presomption-de-legitime-defense-pour-les-policiers-ni-plus-ni-moins-quun-permis-de-tuer
L’observateur attentif aura par ailleurs noté la symétrie de leur
attitude : pas d’opposition aux unions dans leur camp, mais aucune
implication.