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mardi 26 mars 2024

Notes sur "Charbons ardents" de Jean-Michel Carré, 1999


 Les victoires prolétaires sont rares au cinéma et globalement dans les médias. C'est l'imaginaire de la victime qui prévaut plus que celui de guerrières ou guerriers épiques (à la manière de Bertolt Brecht par exemple). Ainsi, il est presque impossible de trouver un film mettant en scène la grève et encore moins une qui réussit, "qui paye" à la fin. Dans les films politiques italiens des années 1970, le grand public peut voir ce type de scènes alors qu'en France cette possibilité se cantonne au cinéma documentaire et militant (du genre Cinélutte). 

Je ne pensais pas retrouver une victoire prolétaire dans un film (documentaire) des années 1990 et d'autant plus dans la Grande-Bretagne façonnée par Margaret Thatcher: elle avait détruit les mobilisations des mineurs dans les années 1980. Comme le dit un mineur dans Charbons ardents les mines ne furent pas fermées parce qu'elles n'étaient pas rentables mais pour en finir avec les mineurs: c'est-à-dire les mieux payés et organisés des prolétaires, ceux qui tiennent haut la bannière rouge.  

L'accent du Pays de Galles je l'avais presque oublié depuis que j'y étais allé dans années 1980 justement, je n'y comprenais rien alors et c'est toujours aussi particulier, loin de la langue anglaise ampoulée-chic ou étriquée-globish, et la marque culturelle d'un Nous prolétarien puissant comme on le voit dans la vie sociale totalement imbriquée au travail des mineurs.

Dans Charbons ardents la victoire ne consiste pas en une simple amélioration des conditions salariales mais commence à ressembler à du socialisme. Le film est réalisé par Jean-Michel Carré (trotskyste?), il est difficilement trouvable (l'acheter?) mais permet de sortir du fatalisme que la lutte ne paie pas ou ne paie plus.

Après on voit bien que cette seule action ou victoire n'était pas en mesure de faire dévier le Labour party, le New Labour de Tony Blair, dans sa stratégie libéral-impérialiste et notamment en détruisant l'Irak. Ce fut une même logique d'asservissement opérant évidemment "inside" et "outside" et elle est passée par l'anéantissement culturel. 

Dans le film de Carré, on voit bien la place de la culture ouvrière comme ferment du Nous prolétarien, son danger donc, et de même on pense à l'Irak non seulement pour les massacres perpétrés comme les 500.000 gosses morts de famine et pour la "bonne cause" selon Madeleine Albright, mais pour la destruction du patrimoine du berceau des civilisations (le 9 avril 2003, Bagdad tombait. Robert Fisk, le légendaire correspondant au Proche-Orient du quotidien londonien The Independent, écrivait sur les jours suivants: "Si le 9 avril fut le 'Jour de la Libération', le 10 avril fut le 'Jour du Pillage'. Une semaine après plus de 170.000 objets d'origine sumérienne, acadienne, assyrienne et babylonienne avaient déjà disparu du Musée national de Bagdad". Après 40 jours de pillage, il conclut: "Bagdad, année zéro").

"En avril 1994, épuisés par une lutte acharnée contre le gouvernement conservateur de Margareth Thatcher, les mineurs de "Tower Colliery", propriété nationale de la British Coal (au pays de Galles), votent la fermeture de leur mine comme beaucoup d'autres. Mais leurs dirigeants syndicaux refusent d'accepter cette défaite et réussissent à convaincre les mineurs de racheter "leur mine" en réinvestissant leurs indemnités de licenciement.

 Depuis maintenant quatre ans, ces travailleurs sont actionnaires, employés et dirigeants de leur entreprise organisée en coopérative. Résultat : la mine n'a jamais été aussi rentable, l'absentéisme aussi faible et la sécurité si importante.

En tentant de réaliser leur rêve de socialisme et de démocratie, ces patrons d'un autre genre sont confrontés à des contradictions politiques et surtout idéologiques. Une telle réussite peut-elle rester compatible avec leur idéal?

Ce film, plein d'espoir, retrace cette aventure exemplaire, menée par des hommes et des femmes ordinaires."