jeudi 31 octobre 2024

Comment « l’AFL-CIO », avec l’aide de la CIA, a sapé le mouvement syndical à l’étranger

 SOURCE: LES CRISES

Pendant une grande partie de son histoire, l’AFL-CIO [centrale syndicale nationale qui est la plus grande fédération de syndicats aux États-Unis. Elle est composée de 60 syndicats nationaux et internationaux, représentant ensemble plus de 12,5 millions de travailleurs actifs et retraités, NdT] a soutenu avec enthousiasme la politique étrangère des États-Unis. Pendant la Guerre froide, elle a notamment participé activement aux efforts visant à supprimer les mouvements syndicaux de gauche à l’étranger.

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
 
Le président Richard Nixon fait un geste en direction du dirigeant syndical George Meany lors d’un discours prononcé à la convention de l’AFL-CIO en 1971. (Wally McNamee / Corbis via Getty Images)

En février, l’American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO) a appelé à un cessez-le-feu négocié pour mettre fin au génocide en cours à Gaza. Bien que cette déclaration n’ait pas exigé un cessez-le-feu immédiat, comme l’ont fait d’autres organisations ouvrières et syndicats, cela représente une rupture avec bon nombre des principes de l’AFL-CIO en matière de politique étrangère.

Pendant la majeure partie de ses soixante-huit années d’existence, l’AFL-CIO – la plus grande fédération de syndicats des États-Unis, représentant 12,5 millions de travailleurs – s’est alignée sur la politique étrangère des États-Unis. Elle a même, dans de nombreux cas au cours du siècle dernier, participé activement à des interventions américaines anti-gauche à l’étranger.

Dans son livre à paraître, Blue-Collar Empire : The Untold Story of US Labor’s Global Anticommunist Crusade (L’empire des cols bleus : l’histoire inédite de la croisade anticommuniste mondiale des travailleurs américains), l’historien Jeff Schuhrke retrace les rapports entre l’AFL-CIO et la politique étrangère des États-Unis depuis les débuts de la Guerre froide jusqu’aux années 1990. Il révèle comment, en partenariat avec la CIA et d’autres organes du gouvernement américain, l’AFL-CIO a étouffé les mouvements syndicaux de gauche en Europe, en Amérique latine et en Asie. Sara Van Horn et Cal Turner se sont entretenus avec lui pour Jacobin et ils ont abordé la question des dégâts causés par les interventions de l’AFL-CIO dans des pays comme le Guyana, le Chili et le Brésil, la façon dont la répression de l’organisation des travailleurs à l’étranger a nui aux travailleurs américains et les leçons que le mouvement syndical peut tirer de son histoire compliquée.

Cal Turner : Dans quelle mesure l’AFL-CIO a-t-elle été associée à l’interventionnisme américain au cours du vingtième siècle ?

Jeff Schuhrke : L’American Federation of Labor (AFL) a commencé à mener la Guerre froide avant même que la Guerre froide ne commence, alors que le gouvernement américain considérait encore l’Union soviétique comme un allié du temps de la Seconde Guerre mondiale. C’est en 1944 qu’elle a créé le Free Trade Union Committee (FTUC), qui a tenté de créer des divisions entre les non-communistes et les communistes au sein des mouvements syndicaux d’Europe occidentale.

Lorsque la Guerre froide est passée au premier plan et que la CIA a été créée, certains responsables, au sein du gouvernement, ont pris conscience du travail que l’AFL avait déjà accompli en Europe. Ils ont compris que si la CIA voulait influencer les mouvements syndicaux étrangers, il lui serait difficile de le faire par elle-même. Mais si elle pouvait passer par l’AFL – si des dirigeants syndicaux américains participaient aux interventions – le succès serait au rendez-vous, dans la mesure où les travailleurs d’autres pays seraient plus enclins à faire confiance à leurs collègues syndiqués.

À compter de 1949, la CIA et le Free Trade Union Committee avaient formé un partenariat secret : la CIA finançait le FTUC pour qu’il mène des interventions destinées à diviser les mouvements syndicaux et à les scinder en camps rivaux selon les axes stratégiques de la Guerre froide. Le Free Trade Union Committee devait également tenir la CIA et le département d’État informés de la composition des différents syndicats et de l’identité de leurs dirigeants dans les pays étrangers : à savoir, lesquels étaient susceptibles d’être plus fiables en tant qu’alliés pro-américains et pro-capitalistes, et lesquels étaient plus à gauche ou pro-soviétiques. Grâce au financement de la CIA, cette organisation a pu s’étendre de l’Europe à l’Asie.

Dans le même temps, il existait déjà avant la Guerre froide, un historique d’interventions de l’AFL auprès des mouvements syndicaux d’Amérique latine, en particulier pendant la révolution mexicaine. Cette évolution s’est poursuivie également lors des débuts de la Guerre froide, sur un mode différent de ce que le Free Trade Union Committee pratiquait en Europe et en Asie, mais avec la même idée de départ : diviser la Confédération des travailleurs d’Amérique latine, organisation syndicale de gauche couvrant l’ensemble de cette région.

Le Free Trade Union Committee a cessé ses activités en 1958 après la fusion entre l’AFL et le CIO. Au cours des années 1960 et 1970, les États-Unis ont fait du développement du tiers-monde l’un des principaux axes de leur politique étrangère. L’AFL-CIO s’est adaptée et s’est associée à l’USAID (l’Agence américaine pour le développement international), acceptant l’idée d’utiliser les syndicats pour « moderniser » les pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie. Ils ont mis en place des programmes de formation destinés à faire en sorte que les dirigeants syndicaux des pays étrangers passent du statut de fauteurs de troubles grévistes à celui de bureaucrates capables de tempérer les revendications des classes laborieuses de leur pays, afin que les gouvernements de ces pays puissent développer leur économie sans céder aux exigences des travailleurs.

On était alors à l’époque du solide mouvement tiers-mondiste des années 1960 et début des années 1970, alors que de nombreux dirigeants politiques anticoloniaux et anti-impérialistes du Sud mondial tentaient de faire valoir leur indépendance économique et politique. C’est au cours de cette période que l’AFL-CIO a régulièrement tenté de saper les mouvements politiques de gauche en Amérique latine.

Si la CIA voulait influencer les mouvements syndicaux étrangers, il lui serait difficile de le faire par elle-même. Mais si elle pouvait passer par l’AFL, le succès serait au rendez-vous.

Au sortir de la guerre du Vietnam, le caractère interventionniste de la Guerre froide s’est quelque peu atténué. Mais dans les années 1980 et au début des années 1990, vers la fin de la Guerre froide, une nouvelle génération de responsables anticommunistes enragés a pris la tête de l’AFL-CIO.

À l’heure où l’économie politique mondiale commence à changer, et alors qu’on assiste à une restructuration économique et à des délocalisations, le nombre de syndiqués américains est en baisse. Pourtant, le président de l’AFL-CIO, Lane Kirkland, et d’autres responsables ont voulu raviver la Guerre froide. Ironie du sort, alors même qu’ils combattaient l’administration de Ronald Reagan sur les questions intérieures, ils se sont associés à cette dernière pour mener des guerres contre-insurrectionnelles musclées en Amérique centrale au nom de l’anticommunisme.

Ils ont coopéré avec l’administration Reagan et des politiciens de droite pour créer la National Endowment for Democracy (NED), qui a renoué avec ce que la CIA avait fait avant la guerre du Viêtnam, à savoir financer de nombreux syndicats et autres organisations de la société civile à l’étranger. Mais au lieu de le faire secrètement, la NED l’a fait ouvertement, en disant : « C’est au nom de la promotion de la démocratie et de la liberté. » L’AFL-CIO a joué un rôle important dans la création de la NED et a été l’un des principaux bénéficiaires des fonds alloués par le Congrès à ces programmes. Elle a été très active en Pologne avec Solidarność, le syndicat anticommuniste qui a fini par être à l’origine, à bien des égards, de la fin du régime communiste en Europe de l’Est.

Sara Van Horn : Vous écrivez que les syndicats américains, en particulier l’AFL-CIO, ont activement encouragé la Guerre froide. Pourquoi les dirigeants syndicaux étaient-ils prêts à collaborer si étroitement avec le gouvernement ?

Jeff Schuhrke : Cela remonte aux Première et Seconde guerres mondiales et au New Deal. Pendant les deux guerres mondiales, les dirigeants de l’AFL ont conclu un accord avec le gouvernement américain, garantissant que la production industrielle ne serait pas perturbée par des grèves pendant la guerre. En échange, l’AFL a acquis une certaine légitimité aux yeux du gouvernement et a obtenu des avantages réels, tels que des journées de travail moins longues, une meilleure couverture sociale et une hausse du nombre de syndiqués. Les responsables syndicaux de l’AFL ont été très fortement marqués par cette évolution. Ils ont compris qu’en s’alignant sur la politique étrangère du gouvernement américain, ils pouvaient gagner en avantages, en légitimité et en protection.

Par ailleurs, l’AFL était traditionnellement une fédération syndicale plus conservatrice, opposée à toute radicalité et aux militants de gauche. Lorsque la Guerre froide a commencé, de nombreux dirigeants de l’AFL avaient déjà une longue expérience de la lutte contre les communistes dans les rangs de leur propre syndicat et du maintien à l’écart des postes de direction de ceux-ci. Ils en étaient venus à se considérer comme les vrais spécialistes de la lutte contre les communistes, bien davantage encore que nombre de responsables de l’appareil de politique étrangère des États-Unis.

Le CIO a également largement bénéficié de son partenariat avec le gouvernement pendant le New Deal et la Seconde Guerre mondiale. Les dirigeants du CIO, comme Walter Reuther, rêvaient de devenir des partenaires à part entière de la planification économique dans un État corporatiste. À l’instar de l’AFL, ils considéraient qu’en prouvant leur patriotisme et leur loyauté envers le gouvernement, ils obtiendraient un siège à la table des négociations. À la fin des années 1940, dans le contexte du maccarthysme et des mutations politiques du début de la Guerre froide, le CIO est également devenu anticommuniste.

C’est l’AFL qui a initialement encouragé la Guerre froide, parce qu’elle n’a jamais toléré les communistes ou voulu former de coalition avec des syndicalistes de gauche, contrairement au CIO qui, pendant de nombreuses années, a accueilli – ou du moins toléré – des communistes dans ses propres rangs. Le CIO était prêt à rejoindre la Fédération syndicale mondiale aux côtés des syndicats soviétiques. C’est une chose que l’AFL n’a jamais acceptée. Ses dirigeants, tel George Meany, se sont toujours montrés prompts à promouvoir une confrontation avec les Soviétiques, en raison de leur propre passé idéologique anti-communiste et de la lutte menée contre les communistes dans les rangs de leurs propres syndicats.

Cal Turner : Vous écrivez que la Guerre froide a directement contribué au déclin des syndicats américains, dont le taux d’adhésion a chuté de 35 % en 1947 à 11 % en 1991. Comment les activités internationales de l’AFL-CIO ont-elles affecté le mouvement syndical ?

Jeff Schuhrke : Un premier facteur a été la part d’attention, de ressources et d’énergie que l’AFL-CIO a consacrée à cette croisade anticommuniste dans le monde, plutôt que d’organiser les travailleurs non syndiqués aux États-Unis ou de réclamer davantage de politiques de protection sociale, moins de dépenses militaires et plus d’investissements dans l’éducation, les soins de santé et les infrastructures, c’est-à-dire le genre de choses qui créent des emplois. En 1966, plus d’un cinquième du budget de l’AFL-CIO était consacré à ces programmes à l’étranger. Sans même compter les millions de dollars que l’AFL-CIO recevait du gouvernement américain.

À partir des années 1970, l’économie politique mondiale était en pleine transformation : l’industrie manufacturière s’est d’abord déplacée vers des régions des États-Unis ne comptant pas de syndicats, le Sud et le Sud-Ouest, puis vers l’Amérique latine et les Caraïbes, et finalement vers l’Asie. L’AFL-CIO ne faisait pas grand-chose pour y remédier, si ce n’est promouvoir les campagnes de marketing « Achetez américain » ou « Vérifiez le logo syndical ». Au contraire, elle se focalisait sur la manière de combattre les communistes et de saper les mouvements de gauche en Amérique latine, en Afrique, en Asie et en Europe de l’Est. L’anticommunisme ici ne se limite pas à une opposition aux véritables communistes ou aux véritables partis communistes : il s’agit d’une opposition à tout mouvement de gauche, ou de classe, visant à l’indépendance économique des pays du Sud global.

Cette croisade anticommuniste mondiale a affaibli et divisé un grand nombre de mouvements syndicaux du Sud, plus combatifs et plus engagés dans les luttes de classe, alors même que ceux-ci auraient pu s’opposer au pouvoir du capital international. Des syndicats dissidents plus conservateurs et plus favorables au capitalisme se sont créés et ont bénéficié d’un financement important de la part du gouvernement américain, par l’intermédiaire de l’AFL-CIO.

Même si tout cela était censé se faire au nom de la libre syndicalisation, un grand nombre de syndicats et de fédérations syndicales soutenus par l’AFL-CIO dans le monde entier faisaient souvent l’objet d’un étroit contrôle de la part des gouvernements de ces pays, en particulier dans le cas de gouvernements anticommunistes et autoritaires. Les seuls syndicats que ces gouvernements toléraient étaient ceux soutenus par l’AFL-CIO.

Alors que la libéralisation du commerce et la délocalisation des emplois manufacturiers américains allaient bon train, les mouvements syndicaux de ces pays auraient pu être des alliés de choix pour le mouvement syndical américain dans sa lutte contre le nivellement par le bas et la promotion de normes plus exigeantes partout afin que le capital n’ait nulle part où aller. Ce n’est pas ce qu’il s’est passé, dans la mesure où ces mouvements syndicaux déjà affaiblis étaient désormais étroitement contrôlés par leurs propres gouvernements, conséquence des agissements de l’AFL-CIO. En ce sens, les dirigeants de l’AFL-CIO se sont tirés une balle dans le pied.

Tout cela s’est fait en partenariat avec le gouvernement américain. Or, celui-ci, surtout à la fin de la Guerre froide, dans les années 1980 et 1990, a favorisé toutes ces délocalisations et la libéralisation du commerce, en adoptant l’ALENA – des mesures qui ont entraîné la désindustrialisation et fait perdre aux syndicats américains un grand nombre de leurs membres. La même entité avec laquelle l’AFL-CIO s’est associée pendant toutes ces décennies et qui a contribué à la victoire de la Guerre froide a, dans le même temps, bousillé les travailleurs américains. Non seulement elle nuisait aux travailleurs du monde entier, mais au final elle nuisait également aux travailleurs des États-Unis.

Sara Van Horn : Avez-vous des exemples précis qui vous paraissent flagrants et montrent que les syndicats américains ont réprimé l’action politique ou l’organisation de la gauche dans les pays du Sud ?

Jeff Schuhrke : Au début des années 1960, la Guyane est dirigée par Cheddi Jagan, un socialiste qui souhaite nationaliser l’industrie sucrière et, via une transition structurée, mener le pays vers une pleine indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne. Certains syndicats étaient de son côté, d’autres de celui de ses rivaux politiques. Avec l’aide de la CIA, l’AFL-CIO a contribué à financer les syndicats de l’opposition et à mener une longue grève générale qui a duré environ deux mois, affaiblissant le gouvernement Jagan et finalement poussant ce dernier à quitter le pouvoir avant le début de toute transition vers l’indépendance.

Le fait que Jargan était marxiste n’était pas du goût du gouvernement américain – il pensait que ce serait un autre Fidel Castro, et souhaitait l’arrêter à n’importe quel prix. Habituellement, les membres du mouvement ouvrier de gauche considèrent que les grèves générales sont quelque chose de positif, mais dans ce cas précis, cette grève générale secrètement financée par la CIA, et dont les fonds étaient versés par les syndicats américains, a ébranlé un gouvernement de gauche.

Dans la même veine, au début des années 70, Salvador Allende était au pouvoir au Chili. Il était marxiste, avait été élu démocratiquement et était persuadé que la démocratie permettrait d’instaurer le socialisme. Les anticommunistes des États-Unis et d’Amérique latine le considéraient donc comme particulièrement dangereux, dans la mesure où ils s’appuyaient sur le mythe selon lequel tous les communistes étaient des dictateurs totalitaires. L’administration [Richard] Nixon entendait créer le chaos économique au Chili, et y est parvenue en partie grâce à une série de grandes grèves dans des secteurs tels que l’extraction du cuivre et le transport routier. Ces grèves ont également reçu un accompagnement, un financement et tout un entraînement de la part de l’AFL-CIO, une grande partie des ressources venant de la CIA. Elles ont servi de prétexte aux militaires chiliens d’Augusto Pinochet pour organiser un coup d’État en 1973 et renverser Allende.

L’American Institute for Free Labor Development (AIFLD), principal instrument de l’AFL-CIO en Amérique latine des années 1960 aux années 1990, a organisé de nombreuses formations qui, à première vue, pouvaient sembler très inoffensives, mais dont le but était souvent de lutter contre l’influence exercée par la gauche au sein des syndicats. L’AIFLD a ainsi assuré la formation de plus de trente syndicats brésiliens au cours de l’année qui a précédé le coup d’État militaire de 1964 dans ce pays. Lorsque ce dernier a eu lieu, certains des Brésiliens lauréats du programme de formation de l’AIFLD ont été chargés par la dictature en place de purger les syndicats brésiliens de leurs gauchistes.

Autre exemple : non seulement l’AFL-CIO a soutenu la guerre du Vietnam de manière rhétorique, mais elle était également active sur le terrain, fournissant des fonds et des ressources à la Confédération vietnamienne du travail anticommuniste au Vietnam du Sud, alors que celle-ci cherchait à réduire l’influence du Front national de libération qui était communiste.

Cal Turner : Comment les adhérents de base de l’AFL-CIO ont-ils réagi lorsqu’ils ont appris que la direction de leur syndicat menait des actions anticommunistes ?

Jeff Schuhrke : Avant la guerre du Vietnam, les adhérents de base ignoraient beaucoup de choses. On ne les consultait pas. Aucune de ces politiques internationales n’était démocratique, elles étaient décidées à huis clos, souvent par des responsables ou des collaborateurs non élus.

Ce n’est qu’à la fin des années 60 que les dirigeants syndicaux locaux et les cadres moyens ont commencé à s’exprimer, dans le cadre du mouvement anti-guerre. Des réunions publiques et des distributions de lettres et de journaux émanant de syndicalistes de base ont commencé à être organisées. Ceux-ci s’élevaient contre la guerre du Vietnam et sont entrés en conflit direct avec George Meany, le président de l’AFL-CIO, qui était totalement acquis à la cause de la guerre.

À la fin des années 60, une série d’articles de presse a également révélé certains des liens qui, depuis les années 1940 existaient entre la CIA et les syndicats américains. Ces informations ayant été révélées au grand jour, le nombre de protestations de la base contre les agissements des dirigeants syndicaux a commencé à se faire plus important. Après le coup d’État au Chili, Fred Hirsch, un plombier californien, syndicaliste de base, a rédigé une brochure exposant les liens entre l’AFL-CIO et la CIA dans le cadre du soutien au coup d’État chilien, celle-ci a été distribuée à des milliers de membres du syndicat.

Dans les années 80, il y a eu un mouvement sans précédent de syndicalistes de base et même de présidents de syndicats au sein de l’AFL-CIO, ils essayaient de venir en aide aux syndicats et mouvements de travailleurs les plus à gauche et les plus militants d’Amérique centrale. Le National Labor Committee a également été fondé dans les années 1980 par un groupe de présidents de syndicats qui s’opposaient à cette intervention en Amérique centrale. Ce groupe est à l’origine des premiers débats ouverts consacrés à la politique étrangère dans le cadre de la convention de l’AFL-CIO, ce qui montre à quel point ces décisions politiques avaient été antidémocratiques.

Sara Van Horn : Quelles leçons le mouvement ouvrier d’aujourd’hui doit-il tirer de cette longue histoire ?

Jeff Schuhrke : En quelques mots : ne soutenez pas systématiquement tout ce que fait Washington en matière de politique étrangère. Et pourtant, c’est encore aujourd’hui la position de la direction de l’AFL-CIO.

Au cours des derniers mois, de nombreux syndicats se sont prononcés en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza, ce qui est particulièrement important dans la mesure où cela va à l’encontre de la politique de l’administration Biden. Qui plus est, sept syndicats majeurs ont récemment demandé à Joe Biden de cesser d’envoyer de l’aide militaire à Israël afin de contraindre à un cessez-le-feu. Le fait que les syndicats fassent toutes ces déclarations est une évolution qui va dans le bon sens, mais les actions concrètes se font encore rares au niveau national.

S’il est essentiel d’organiser et de renforcer le taux de syndicalisation, nous devons également nous interroger sur le type de mouvement syndical que nous souhaitons, et ne pas nous contenter d’un mouvement de grande ampleur.

Aujourd’hui, la gauche syndicale doit porter un regard international sur les luttes que nous menons sur nos lieux de travail aux États-Unis. Le message de Donald Trump consiste souvent à dire que les travailleurs étrangers sont nos ennemis. Mais l’histoire de la Guerre froide nous a déjà montré que le nationalisme économique n’est en fin de compte d’aucune utilité pour les travailleurs américains. Il est indispensable de se montrer beaucoup plus critique à l’égard de la politique étrangère des États-Unis.

Cal Turner : Quel impact souhaitez-vous avoir avec ce livre ?
Jeff Schuhrke : Aux États-Unis, depuis quelques années, les gens sont de plus en plus actifs dans le mouvement ouvrier, mais ce domaine de l’histoire du travail a souvent été ignoré, parce qu’une grande partie du mouvement ne se sentait pas à l’aise lorsqu’il s’agissait d’en parler. Dans l’idée, ce livre devait être une introduction et rassembler un grand nombre d’études déjà publiées sur le sujet. J’espère qu’il aidera les personnes qui ne connaissent pas encore le mouvement syndical à comprendre que s’il est essentiel de s’organiser et de développer la syndicalisation, nous devons également nous interroger sur le type de mouvement syndical que nous souhaitons – et ne pas nous contenter d’un mouvement de grande ampleur.

Quels sont les principes de notre mouvement ? Que défend-il ? Quel type de politique a-t-il en matière de politique étrangère ? Nous espérons que comprendre ce passé permettra aux gens de réaliser pourquoi il est important d’avoir une perspective internationaliste et anti-impérialiste lorsqu’il s’agit de reconstruire le mouvement ouvrier.

*

Jeff Schuhrke est historien du travail et professeur adjoint à la Harry Van Arsdale Jr School of Labor Studies, SUNY Empire State University. Il est l’auteur de Blue-Collar Empire : The Untold Story of US Labor’s Global Anticommunist Crusade.

Sara Van Horn est écrivaine et vit à Serra Grande, au Brésil.

Cal Turner est écrivain et vit à Philadelphie.

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
 
 
COMMENTAIRES RELEVÉS:
  • ForceOuvrièreAméricaine // 26.09.2024 à 09h20

    Plus intéressant serait de rappeler les opérations « d’influence » des services américains en France pour contrer le syndicalisme des marxistes , de la CGT qui risquait d’entraver le plan Marshall. La création de Force Ouvrière par exemple par le célèbre trotskiste Kristol (un des inspirateurs du neo conservatisme/libéralisme) d’abord opposé au communisme quoi qu’il en coûte ( Militant trotskiste aux usa il convertit son action en Europe au service des libéraux us) L’ « écueil » ( comme Brezinski nommait la France ) serait peuplé de « gallo communistes » s’inquiètent les américains (et Cohn Bendit ) dont des syndicalistes. L’histoire française de cette ingérence par les services us mériterait un billet svp


  • Leon // 26.09.2024 à 17h31

    Mme Annie Lacroix-Riz
    https://www.wikiwand.com/fr/articles/Annie_Lacroix-Riz ,
    a abondament ecrit sur le sujet et bien plus…
    Bonne lecture.


  • Lt Briggs // 26.09.2024 à 19h02

    « Alors que la libéralisation du commerce et la délocalisation des emplois manufacturiers américains allaient bon train, les mouvements syndicaux de ces pays auraient pu être des alliés de choix pour le mouvement syndical américain dans sa lutte contre le nivellement par le bas et la promotion de normes plus exigeantes partout afin que le capital n’ait nulle part où aller. Ce n’est pas ce qu’il s’est passé »

    C’est un point essentiel. Le démantèlement des droits des travailleurs à l’étranger, appuyé par l’AFL et le CIO, a eu un effet boomerang pour les travailleurs américains lors de l’avènement de la mondialisation. Les grandes entreprises ont ensuite eu beau jeu de traiter les travailleurs américains de nantis assis sur des privilèges, soudain devenus trop chers par rapport aux chinois, indiens ou vietnamiens. Un syndicat ne peut pas être à la fois socialiste et impérialiste. Sur le long terme, c’est impossible. L’AFL-CIO a contribué à affaiblir les syndicats étrangers trop à gauche ou favorables à l’autonomisation de leurs pays, au grand bonheur de la CIA, mais le prix à payer a été une détérioration des conditions de travail des salariés américains. Dire que les femmes là-bas n’ont même pas droit à un congé maternité, sauf quelques « privilégiées » qui travaillent pour des entreprises de plus de 50 salariés, qui elles peuvent prendre jusqu’à 12 semaines… non indemnisées. La baisse du taux de syndicalisation des salariés aux Etats-Unis est tout sauf une surprise.

 

Décoloniser nos discours : 10 choses à dire et à ne plus dire dans la lutte contre le langage orwellien

 SOURCE: LES CRISES

 

Voici dix choses à dire et à ne pas dire, avec des exemples et des citations de militants de la décolonisation.

Source: LA Progressive, Marcy Winograd
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Si nous voulons décoloniser la Palestine et toutes les terres que les États-Unis, Israël et les États clients occupent et génocident (oui, le verbe existe), nous devons décoloniser notre discours, notre vocabulaire, notre langage et la façon dont nous formulons les choses. Les mots peuvent non seulement faire évoluer notre propre pensée, mais aussi celle des gens autour de nous qui sont susceptibles de réfléchir à nos paroles longtemps après la fin d’une conversation, au point de remettre en question leurs présupposés antérieurs. Voici dix choses à dire et à ne pas dire, avec des exemples et des citations de défenseurs de la décolonisation et de la démilitarisation :

1. Il faut dire « budget militaire » ou « budget de guerre » ou « entrepreneurs militaires » ou « entrepreneurs de guerre » ou « marchands de mort » lorsque vous faites référence au budget de la « défense » et aux profiteurs de guerre.

L’expression « marchands de mort » remonte aux jours qui ont suivi la Première Guerre mondiale, lorsque la commission sénatoriale des munitions [commission créée à la suite d’informations largement répandues selon lesquelles les fabricants d’armements avaient indûment influencé la décision des États-Unis d’entrer en guerre en 1917, NdT] a procédé à 93 auditions, interrogeant 200 témoins, dont le banquier d’affaires J. P. Morgan Jr, au sujet de l’influence indue des profiteurs de guerre sur la décision d’entrer en guerre.

Sam Pizzigati écrit dans American Merchants of Death-Then and Now (Les marchands de mort américains d’hier et d’aujourd’hui) :

« Au milieu des années 1930, le monde nageait dans un océan d’armes de guerre, et les gens encore sous le choc de la Première Guerre mondiale – la « Grande Guerre » – voulaient en connaître la raison. À cette fin, aux États-Unis, les partisans de la paix « ont suivi la piste de l’argent ». Ils se sont vite rendu compte que de nombreux magnats américains s’enrichissaient grâce à la préparation de la guerre. Ces « marchands de mort » – appellation très imagée de l’époque pour désigner les profiteurs de guerre – avaient tout intérêt à pérenniser la course à l’armement qui rend les guerres plus probables. Selon des millions d’Américains, l’Amérique devait faire en sorte que la guerre ne soit plus une source de profit.

Il ne faut pas dire « budget de la défense » ou « entrepreneurs de la défense » ou « Secrétaire à la défense ».

Le budget de près de mille milliards de dollars que le gouvernement américain consacre à l’armement – bombes de type bunker busters, avions d’attaque, missiles, ogives nucléaires – n’est pas à but défensif mais bien à but offensif. Les 750 bases militaires du Pentagone dans 80 pays, les exercices de guerre dans le Pacifique et les milliards de dollars de transferts d’armes à Israël suscitent une indignation mondiale qui compromet la sécurité des États-Unis. Les marchands d’armes qui profitent de cette barbarie ne passent pas de contrats pour nous défendre, mais pour tirer profit de la mort et de la destruction.

2. Il faut dire « résidents des États Unis, ou public des États Unis » lorsque vous parlez de gens aux Etats Unis, car cette référence est spécifique et ne présente alors pas les Etats Unis comme l’unique représentant des Amériques.

Il ne faut pas dire « Amérique » et « Américains » si on parle uniquement des États-Unis.

Les États-Unis ne sont qu’un seul des pays des Amériques et ils ne représentent pas plus qu’ils ne parlent au nom de toute l’Amérique : Nord, Centrale et Sud, qui compte 42 pays !

3. Il faut dire « colons-colonialistes » ou « colons-terroristes » ou « colons-pyromanes » ou « colonies terroristes » – quand on fait référence à ce qui est souvent décrit comme étant simplement des « colons » et des « colonies ». Au lieu du verbe « implanter », il faut envisager d’utiliser le verbe « spolier » ou l’expression « voler à des fins de colonisation ».

« Au cours des siècles, nos terres sacrées nous ont été volées à maintes reprises et régulièrement par les gouvernements et les populations des États-Unis et du Canada. » Leonard Peltier Prison Writings : My Life is My Sundance. [Écrits de prison : Ma vie est ma danse au soleil, en évoquant la danse du soleil, dans laquelle la douleur conduit à une réalité transcendante, Peltier explore sa souffrance et les enseignements qu’elle lui a apportés, NdT]

Il ne faut pas se contenter de dire « s’installer » ou « colons » ou « colonies » – tous ces termes semblent anodins, sont hors de contexte et laissent penser que des gens épris d’aventure se sont pris en main pour construire des maisons sur des terrains vacants et n’ont pas volés ces terres sous la menace des armes ou n’ont pas mis le feu aux maisons des gens pour voler leurs biens.

4. Il faut dire « génocide perpétré par Israël à Gaza » ou « guerre génocidaire contre (et non à) Gaza » plutôt que « conflit israélo-palestinien » parce qu’Israël bombarde sans relâche les civils palestiniens, détruisant les hôpitaux, les écoles et les centres de réfugiés, tout en instaurant un blocus de l’eau, de la nourriture et des médicaments afin d’imposer une famine systématique à l’encontre de 2,3 millions de personnes. L’assaut d’Israël contre Gaza répond aux critères de la Convention des Nations unies sur le génocide, qui définit le génocide ainsi : « La soumission intentionnelle d’un groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle. »

Exemple : La guerre génocidaire d’Israël contre les Palestiniens de Gaza – qui, avec ceux de Cisjordanie, de Jérusalem-Est et au sein d’Israël même, ont été enrôlés pour servir, à leur corps défendant, de personnification de l’ennemi historique d’Israël – a engendré une affliction et une douleur inimaginables. (Angela Davis : Standing with Palestinians, Hammer & Hope, printemps 2024).

Il faut utiliser « génocide » comme un verbe, même si le dictionnaire dit que c’est seulement un nom. Les verbes sont des mots forts, donc lorsqu’on transforme un nom en verbe ou qu’on le verbifie, on ajoute un sentiment d’immédiateté et d’urgence.

Il ne faut pas dire guerre Israël-Hamas parce qu’une guerre implique que les deux parties sont à égalité, avec les mêmes armes et le même pouvoir politique.

« Il ne s’agit pas d’un assaut. Ce n’est pas une invasion. Ce n’est même pas une guerre. C’est un génocide. » (Andrew Mitrovica. Chroniqueur d’Al Jazeera. 14 octobre 2023.)

De même, il ne faut pas parler de conflit israélo-palestinien pour évoquer l’occupation et le nettoyage ethnique de la Palestine par Israël. Le mot « conflit » suggère à tort que les parties sont égales, ce qui conduit souvent à dire « c’est trop compliqué » – une autre impasse dans la conversation.

Il faut également éviter les mots « campagne militaire » comme dans « Israël a lancé sa campagne militaire le 7 octobre, déclarant que son objectif était de détruire le Hamas ». (Il ne s’agit pas d’une campagne de porte-à-porte, de pétitions et de poignées de main, mais d’un assaut génocidaire contre 2,3 millions de Palestiniens, dont la plupart n’ont rien à voir avec l’attaque du Hamas contre Israël, mais qui sont néanmoins piégés dans un camp de concentration.

5. Il faut utiliser le mot « torture » lorsqu’il s’agit d’un crime qui répond aux critères de la Convention des Nations unies contre la torture, qui stipule : « La torture s’entend de tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, ou de la punir d’un acte qu’elle ou qu’une tierce personne a commis. »

Dans l’émission Democracy Now (27/08/24), Amy Goodman met en avant une enquête de Human Rights Watch sur les actes de tortures infligées par Israël aux prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes.

Un nouveau rapport de Human Rights Watch décrit en détail les terribles épreuves endurées par huit médecins, infirmières et auxiliaires médicaux récemment détenus dans des prisons israéliennes, où ils ont décrit avoir eu les yeux bandés, avoir été battus, avoir été maintenus dans des positions de stress forcé et avoir été menottés pendant de longues périodes. Ils ont également fait état de tortures, y compris de viols et d’abus sexuels, perpétrés par les forces israéliennes.

Il ne faut pas parler de « mesures coercitives » quand on parle des colonisateurs qui infligent à leurs prisonniers des tortures par simulacre de noyade, des amputations, la famine, des viols et d’autres horreurs.

6. Il faut utiliser la forme active pour montrer que le sujet de la phrase exécute l’action à l’encontre de l’objet.

Depuis le 7 octobre, Israël a tué plus de 40 000 habitants de Gaza et sommé deux millions d’entre eux d’abandonner leurs maisons.

Il ne faut pas utiliser la forme passive.

La forme passive place l’objet de la phrase avant le verbe et peut se dispenser de préciser la personne, les personnes ou le pays qui commet l’atrocité.

Forme passive : « Depuis le 7 octobre, plus de 40 000 habitants de Gaza ont été tués et on estime à deux millions le nombre de sans-abri. » Mais qui est responsable de ces meurtres ? Et qui a arraché des millions de personnes de leur foyer ? Nous ne le savons pas. Les gens utilisent la forme passive quand il s’git d’éviter de tenir les coupables pour responsables.

7. Il faut utiliser le terme « armes » et être précis lorsqu’il s’agit de ce que certains qualifient d’« armes défensives ».

Exemple : « Le président Biden a récemment approuvé l’octroi de 20 milliards de dollars supplémentaires pour l’achat d’armes (avions d’attaque, missiles) dans le cadre du génocide perpétré par Israël à Gaza. »

Il ne faut pas utiliser le terme « armes défensives » car les armes dites défensives, telles que les « boucliers antimissiles », permettent à l’agresseur de renforcer son escalade sans crainte de représailles. Une arme « défensive » peut être utilisée à des fins offensives.

8. Il faut dire « forces d’occupation israéliennes » quand on se réfère à l’armée israélienne, car celle-ci s’empare de la terre, de l’air et de la mer à Gaza, à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et au sein d’Israël en deça de la ligne verte d’avant 1976, zone où Israël a expulsé 800 000 Palestiniens lors de la Nakba de 1948, la catastrophe de l’épuration ethnique.

Il ne faut pas dire « Forces de défense israéliennes » en effet, Israël est l’agresseur qui organise l’occupation, la terreur et le génocide des Palestiniens.

9. Il faut parler de « réarmement nucléaire » quand on fait référence au développement de nouvelles armes nucléaires par les États-Unis.

Les États-Unis, en violation du traité de non-prolifération nucléaire des Nations unies, poursuivent leur réarmement nucléaire, développant des ogives au moins 20 fois plus meurtrières que la bombe atomique qui a consumé 200 000 Japonais à Hiroshima et Nagasaki en 1945.

Il ne faut pas dire « modernisation nucléaire », car les États-Unis ne sont pas en train de procéder à une « modernisation » – un terme anodin qui fait penser à la redécoration de sa cuisine. Les États-Unis ne sont pas en train de moderniser leurs armes nucléaires, au contraire, ils procèdent à un réarmement nucléaire qui leur permettra à terme de consacrer un budget de plus de mille milliards de dollars à la production de nouvelles ogives nucléaires.

MAUVAIS USAGE : « Le but de la politique nucléaire des États-Unis est de dissuader la Russie grâce à la modernisation de son arsenal. » (CNN, 3/1/18)

10. Il faut parler d’ « exercices militaires » ou « exercices de guerre » lorsqu’on fait référence aux vastes manœuvres militaires menées par les États-Unis dans le cadre de la préparation d’une guerre.

Les militants hawaïens Kawena’ulaokalã Kapahua et Joy Lehuanani Enomoto écrivent dans US-Led Military Exercises in Pacific Wreak Havoc : « Tous les deux ans, le Centre de commandement Indo-Pacifique des États-Unis organise les plus grands exercices de guerre maritime de la planète. » […] « RIMPAC, qui est un véritable symbole de l’empire américain, a des ramifications environnementales et culturelles considérables. D’un point de vue géopolitique, les exercices sont utilisés pour contrôler les routes commerciales, former des régimes génocidaires et se positionner face à la Chine. » [Le RIMPAC est un exercice militaire réalisé tous les deux ans par différentes marines nationales sous la direction de l’United States Pacific Command (Commandement du Pacifique, PACOM) au large de Hawaï, aux États-Unis, NdT]

Il ne faut pas dire « jeux de guerre » quand on parle de RIMPAC (Rim of the Pacific), un exercice militaire réunissant 29 pays et impliquant 40 navires, trois sous-marins, 150 avions de combat et 25 000 militaires sur l’île d’Oahu et dans les eaux au large d’Hawaï – tout cela pour se préparer à une guerre contre la Chine. Le mot « jeux » fait penser à des charades, au backgammon ou au football, et non à des exercices en vue d’une troisième guerre mondiale qui pourrait mettre fin à la race humaine.

Ce sont là quelques-unes des choses qu’il faut dire et ne pas dire et dont il faut tenir compte si on veut décoloniser notre discours afin d’éviter de renforcer involontairement le statu quo de l’impérialisme, du pillage et de l’assujettissement. Il ne s’agit pas ici de vouloir que les anti-impérialistes deviennent des flics du langage, régulant les mots et les expressions ou, pire encore, en arrivant à ce que ceux-ci s’annulent mutuellement en les euphémisant.

À l’heure où nous rêvons de pouvoir mettre un terme au génocide perpétré par les États-Unis et Israël, où nous assistons, incrédules, au spectacle d’une sociopathie totale et d’une complicité mondiale dans les atrocités en cours, nous devons continuer à manifester, à déranger et à nous organiser, à élever notre voix vers le ciel pour résister, tout en choisissant calmement nos mots, avec détermination.

*

Marcy Winograd est membre de Jewish Voice for Peace (Voix juive pour la paix) et copréside la Central Coast Antiwar Coalition.

Source: LA Progressive, Marcy Winograd, 03-09-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

 

The Hollywood Ten (John Berry, 1950)

 


KAZAN et la dialectique des BRICS

  SOURCE: TROPIQUES

Au moment où le spectacle insipide que nous donnent conjointement l'appareil d’État, la classe dirigeante, et la représentation nationale (et "européenne") tourne à ce que l'on qualifiait jadis de "four", l'impression d’ensemble que nous donnons collectivement au "reste du monde", ou du moins à celles et ceux qui s'y intéressent encore à nous, est aggravée par une comparaison qui n'est guère à notre avantage.

      Car les désormais deux tiers de l'humanité qui se sont assez largement désintéressés de nos minables palinodies électorales et politiques, quelque "parenthèse enchantée" dont on ait pu prétendre les camoufler,  semblent se presser à la grande conférence mondiale organisée par notre plus terrible ennemi.

      Nos éminents commentateurs de The Duran nous en font une très instructive recension ( et ça casse quelques briques ) :


 

 

Tristan Tzara et l'Esprit

 "Le modernisme, à l'époque, tendait à devenir un dogme, une sorte d'institution si vous voulez. C'est-à-dire, il y avait la revue L'Esprit nouveau, le modernisme s'appliquait en architecture, en peinture. Et ce qui nous intéressait nous, c'était l'esprit même des choses et de la vie que nous voulions exprimer. Or, "moderne" avait un sens péjoratif pour nous: c'était presque une insulte de nous appeler moderne."


"Dadaïstes: des bolcheviques payés pour détruire l'esprit français." (1962)



Remontons à Dada (1967), avec Philippe Soupault

Air du Temps (Belgique):

 Remontons à Dada (1967)