Réponse de De Gaulle à Harry Hopkins:
Je rappelai que le malheur de 1940 était l'aboutissement des épreuves excessives
que les Français avaient subies. Or, pendant la première guerre mondiale, les États-Unis
n'étaient intervenus qu'après trois années de lutte où nous nous étions épuisés à repousser
l'agression allemande. Encore entraient-ils en ligne pour le seul motif des entraves apportées
à leur commerce par les sous-marins allemands et après avoir été tentés de faire admettre
une paix de compromis où la France n'eût même pas recouvré l'Alsace et la Lorraine. Le Reich
une fois vaincu, on avait vu les Américains refuser à la France les garanties de sécurité
qu'ils lui avaient formellement promises, exercer sur elle une pression obstinée
pour qu'elle renonce aux gages qu'elle détenait et aux réparations qui lui étaient dues,
enfin fournir à l'Allemagne toute l'aide nécessaire au redressement de sa puissance.
« Le résultat, dis-je, ce fut Hitler. »
J'évoquai l'immobilité qu'avaient observée les États-Unis quand le IIIe Reich entreprit
de dominer l'Europe; la neutralité où ils s'étaient cantonnés tandis que la France subissait
le désastre de 1940; la fin de non-recevoir opposée par Franklin Roosevelt à l'appel de
Paul Reynaud alors qu'il eût suffi d'une simple promesse de secours, fût-elle secrète
et à échéance, pour décider nos pouvoirs publics à continuer la guerre ; le soutien longtemps
accordé par Washington aux chefs français qui avaient souscrit à la capitulation
et les rebuffades prodiguées à ceux qui poursuivaient le combat .
Mémoires de guerre et mémoires d'espoir, t. 3, p. 83