Au mois de mars prochain s'ouvre, à Paris, un congrès international pour la détermination des directives et la défense de l'esprit moderne.
Tous ceux qui tentent, aujourd'hui, dans le domaine de l'art, de la
science ou de la vie, un effort neuf et désintéressé, sont conviés à y
prendre part. Il s'agit avant tout d'opposer à une certaine formule de
dévotion au passé — il est question constamment de la nécessité d'un
prétendu retour à la tradition — l'expression d'une volonté, qui porte à agir avec le minimum de références.
La
part de la vérité n'est certes plus à faire dans les arguments que
peuvent invoquer en leur faveur les représentants de l'une et de l'autre
tendances. Il est, par contre, permis de dire que l'attitude des
premiers, s'appuyant sur une doctrine des plus strictes et se posant, on
ne sait pourquoi, en gardiens de l'ordre, menacerait gravement le
liberté des seconds, livrés par définition à des entreprises hasardeuses
et fréquemment contradictoires, si ces derniers ne se renouvelaient
sans cesse ou s'ils n'étaient renouvelés. Les uns gagneront donc à être
instruits de notre projet. Aux autres, nous demandons de faire
abstraction de leur ambition particulière et de nous adresser leur
adhésion.
Les membres du comité d'organisation, au nombre de sept,
professent des idées trop diverses pour qu'on puisse les suspecter de
s'entendre afin de limiter l'esprit moderne au profit de quelques-uns ;
leurs dissensions sont publiques. Le malentendu qui règne entre eux
répond de leur impartialité au sein du Congrès ; il laisse cependant
subsister le minimum d'accord indispensable pour ne pas paralyser la
tentative.
Georges Auric, compositeur ; André Breton, directeur de Littérature ; Robert Delaunay, artiste-peintre ; Fernand Léger, artiste-peintre ; Amédée Ozenfant, directeur de l'Esprit Nouveau ; Jean Paulhan, secrétaire de la Nouvelle Revue Française ; Roger Vitrac, directeur d'Aventure.
Lire le texte original paru dans la NRf de février 1921
A propos du congrès, on pourra lire le « congrès de Paris », Chapitre XX de Dada à Paris, par Michel Sanouillet.
La plus importante réunion de documents concernant le « congrès de Paris » se trouve dans un dossier établi par les soins d’André Breton et acquis par la Bibliothèque nationale (NAF 14316) : il contient une quarantaine de lettres, articles et textes divers. Des extraits en ont été publiés par Tzara dans Les Feuilles libres, bibl. 699, avril-mai 1922. Voir le commentaire détaillé dans le catalogue Nicaise 1960 (bibl. 753, p. 247-250) et dans le catalogue de la vente Gaffé (bibl. 744, n° 73). Il importait toutefois de rétablir l’équilibre, rompu dans ce dossier en faveur de la thèse Breton, en explorant d’autres collections, comme celle du fonds Tzara à la B.L.J.D. qui renferme des documents d’un intérêt considérable.