dimanche 7 avril 2024
mercredi 27 mars 2024
"Désir d'absolu" dans deux lettres de Guy Debord à Hervé Falcou
Que dire du mot "absolu" sinon qu'il nomme ce qui n'est accessible que par une expérience rare intraduisible: une expérience que l'on peut donc qualifier de mystique avec des sentiments océaniques qui saturent et produisent toutes sortes de vertiges; on peut les nommer sous les catégories d'illimité, de néant ou de dieu. Par ce genre d'expériences on pourrait dire que l'on est au sens figuré dans le registre de l'ivresse et de la gueule de bois, mais concernant Debord on peut le dire aussi au sens propre car l'alcool est moteur d'absolu comme il l'évoque à la fin de sa vie dans Panégyrique (en 1993):
J'ai d'abord aimé, comme tout le monde, l'effet de la légère ivresse, puis très bientôt j'ai aimé ce qui est au-delà de la violente ivresse, quand on a franchi ce stade: une paix magnifique et terrible, le vrai goût du passage du temps.
Le "désir d'absolu" se produit avec une spéciale acuité pour nombre d'entre nous à l'adolescence et durant la vingtaine, en somme quand on est neuf face au monde et que l'on voudrait le bouffer en entier. Les attendus étant déçus cela peut conduire à des tentatives de suicide. Ce fut peut-être son cas, les assertions suivantes au "désir d'absolu" dans deux lettres à Falcou coïncident avec des tentatives précoces de sa part (il mourra suicidé mais en 1994, pour ne pas continuer à souffrir d'une maladie très invalidante et sans rémission possible).
Lettre de Guy Debord à Hervé Falcou, (premier semestre?) 1950:
Le Marquis de Sade à des yeux de fille, p. 63
Lettre de Guy Debord à Hervé Falcou, décembre 1950:
Cela devait s’appeler désir d’absolu. Bien peu de minutes m’ont satisfait et je n’ai pas pu bâtir sur elles ma vie.
Le Marquis de Sade à des yeux de fille, p.74
mardi 26 mars 2024
Notes sur "Charbons ardents" de Jean-Michel Carré, 1999
Les victoires prolétaires sont rares au cinéma et globalement dans les médias. C'est l'imaginaire de la victime qui prévaut plus que celui de guerrières ou guerriers épiques (à la manière de Bertolt Brecht par exemple). Ainsi, il est presque impossible de trouver un film mettant en scène la grève et encore moins une qui réussit, "qui paye" à la fin. Dans les films politiques italiens des années 1970, le grand public peut voir ce type de scènes alors qu'en France cette possibilité se cantonne au cinéma documentaire et militant (du genre Cinélutte).
Je ne pensais pas retrouver une victoire prolétaire dans un film (documentaire) des années 1990 et d'autant plus dans la Grande-Bretagne façonnée par Margaret Thatcher: elle avait détruit les mobilisations des mineurs dans les années 1980. Comme le dit un mineur dans Charbons ardents les mines ne furent pas fermées parce qu'elles n'étaient pas rentables mais pour en finir avec les mineurs: c'est-à-dire les mieux payés et organisés des prolétaires, ceux qui tiennent haut la bannière rouge.
L'accent du Pays de Galles je l'avais presque oublié depuis que j'y étais allé dans années 1980 justement, je n'y comprenais rien alors et c'est toujours aussi particulier, loin de la langue anglaise ampoulée-chic ou étriquée-globish, et la marque culturelle d'un Nous prolétarien puissant comme on le voit dans la vie sociale totalement imbriquée au travail des mineurs.
Dans Charbons ardents la victoire ne consiste pas en une simple amélioration des conditions salariales mais commence à ressembler à du socialisme. Le film est réalisé par Jean-Michel Carré (trotskyste?), il est difficilement trouvable (l'acheter?) mais permet de sortir du fatalisme que la lutte ne paie pas ou ne paie plus.
Après on voit bien que cette seule action ou victoire n'était pas en mesure de faire dévier le Labour party, le New Labour de Tony Blair, dans sa stratégie libéral-impérialiste et notamment en détruisant l'Irak. Ce fut une même logique d'asservissement opérant évidemment "inside" et "outside" et elle est passée par l'anéantissement culturel.
Dans le film de Carré, on voit bien la place de la culture ouvrière comme ferment du Nous prolétarien, son danger donc, et de même on pense à l'Irak non seulement pour les massacres perpétrés comme les 500.000 gosses morts de famine et pour la "bonne cause" selon Madeleine Albright, mais pour la destruction du patrimoine du berceau des civilisations (le 9 avril 2003, Bagdad tombait. Robert Fisk, le légendaire correspondant au Proche-Orient du quotidien londonien The Independent, écrivait sur les jours suivants: "Si le 9 avril fut le 'Jour de la Libération', le 10 avril fut le 'Jour du Pillage'. Une semaine après plus de 170.000 objets d'origine sumérienne, acadienne, assyrienne et babylonienne avaient déjà disparu du Musée national de Bagdad". Après 40 jours de pillage, il conclut: "Bagdad, année zéro").
"En avril 1994, épuisés par une lutte acharnée contre le gouvernement conservateur de Margareth Thatcher, les mineurs de "Tower Colliery", propriété nationale de la British Coal (au pays de Galles), votent la fermeture de leur mine comme beaucoup d'autres. Mais leurs dirigeants syndicaux refusent d'accepter cette défaite et réussissent à convaincre les mineurs de racheter "leur mine" en réinvestissant leurs indemnités de licenciement.
Depuis maintenant quatre ans, ces
travailleurs sont actionnaires, employés et dirigeants de leur
entreprise organisée en coopérative. Résultat : la mine n'a jamais été
aussi rentable, l'absentéisme aussi faible et la sécurité si importante.
En tentant de réaliser leur rêve de socialisme et de démocratie, ces patrons d'un autre genre sont confrontés à des contradictions politiques et surtout idéologiques. Une telle réussite peut-elle rester compatible avec leur idéal?
Ce film, plein d'espoir, retrace cette aventure exemplaire, menée par des hommes et des femmes ordinaires."
lundi 18 mars 2024
Los Barrancos afortunados, Josep Vilageliu, 1976
vendredi 15 mars 2024
Les Rebelles du dieu néon (Tsai Ming-liang, Taiwan, 1992)
mardi 12 mars 2024
Trailer: Wheel of ashes ( Peter Emanuel Goldman, USA-France, 1970)
À Saint-Germain-des-Prés, l'errance d'un homme tiraillé entre quête spirituelle et désir charnel. Traqué par la caméra, Pierre Clémenti, somnambule diaphane et magnétique, vit entièrement son personnage dans un tableau saisissant de Paris à la veille de Mai 68. D'une pureté lyrique, le film, en partie financé par Godard, est le chaînon manquant entre Nouvelle Vague et underground new-yorkais.
Mouais...ça a l'air suffisamment chiant pour se le tartiner en entier.